L’Afrique s’apprête à franchir un tournant majeur dans la construction de son autonomie sanitaire et industrielle. Du 27 au 29 novembre 2025, Alger accueillera la Conférence ministérielle africaine sur la production locale des médicaments et des technologies de la santé, un événement continental stratégique organisé au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal, sous le haut patronage du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune. Cette rencontre, soutenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), incarne une volonté politique forte : renforcer la capacité du continent à produire ses propres médicaments, réduire sa dépendance aux importations massives et bâtir une souveraineté sanitaire durable, fondée sur la coopération, l’innovation et la solidarité africaine. L’enjeu est de taille. Aujourd’hui, entre 70 et 90 % des médicaments utilisés en Afrique sont importés, tout comme 99 % des vaccins.
Dans un contexte mondial marqué par les crises sanitaires, les ruptures d’approvisionnement et les inégalités en matière de soins, la nécessité de développer une industrie pharmaceutique africaine robuste est devenue une priorité stratégique. À travers ce sommet, l’Algérie entend offrir un espace de réflexion, de concertation et d’action destiné à repenser l’avenir sanitaire du continent autour d’une vision commune. Pour le ministre de l’Industrie pharmaceutique, Ouacim Kouidri, l’organisation de cette conférence représente une opportunité majeure pour mettre en valeur les capacités industrielles algériennes et contribuer à l’élaboration d’une feuille de route continentale pour la production locale. L’Algérie figure aujourd’hui parmi les pays les plus avancés du continent dans ce domaine : elle abrite 27 % des usines pharmaceutiques africaines, soit 250 unités de production sur un total continental de 650. Grâce à cette dynamique industrielle soutenue, elle couvre déjà 82 % de ses besoins en médicaments par la production locale, affichant une volonté affirmée de devenir un pôle pharmaceutique régional capable de soutenir et d’accompagner les États africains dans leurs processus de développement.
Cette expertise, accumulée au fil de réformes ambitieuses, place l’Algérie en position privilégiée pour jouer un rôle pivot dans la construction d’une industrie pharmaceutique africaine intégrée. M. Kouidri a d’ailleurs rappelé que ce rendez-vous continental permettra non seulement de renforcer la coopération entre les États membres, mais aussi de promouvoir les opportunités d’exportation à destination des marchés africains, dans un cadre structuré et coordonné conforme aux aspirations de l’Union africaine. Le représentant de l’OMS en Algérie, le Dr Phanuel Habimana, a souligné l’importance stratégique de cette conférence, la qualifiant de « moment déterminant » dans l’histoire sanitaire du continent. Il a salué les efforts déployés par l’Algérie pour l’organisation de cet événement de haut niveau, et rappelé les conclusions de la réunion des ministres africains de la Santé tenue à Brazzaville en 2024.
Selon lui, l’Algérie est aujourd’hui « bien positionnée pour servir de modèle en matière d’investissement pharmaceutique », grâce à une vision claire, une infrastructure solide et une volonté politique ferme de soutenir l’autonomie sanitaire du continent. La dimension diplomatique et géo économique de cette conférence n’est pas en reste. Dans son intervention lors du lancement officiel du comité national chargé de la préparation du sommet, la secrétaire d’État chargée des Affaires africaines, Selma Bekhta Mansouri, a rappelé que cet événement s’inscrit dans la continuité de la dynamique panafricaine impulsée par l’Algérie, notamment après le succès de la 4ᵉ édition de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025). Elle a souligné que la coopération économique africaine ne peut être dissociée de la consolidation des chaînes de valeur régionales dans des secteurs vitaux tels que la santé, les biotechnologies et l’innovation scientifique. À ses yeux, cette conférence permettra de « transformer les acquis économiques récents en avancées concrètes pour la souveraineté sanitaire et pharmaceutique du continent ».
Le sommet abordera des thématiques essentielles : la régulation régionale des produits de santé, la standardisation des normes de fabrication, le développement de centres régionaux de production, la mutualisation de la recherche scientifique, le renforcement des capacités biotechnologiques, la diversification des sources de financement, ainsi que les mécanismes de transfert technologique entre États africains. Ces axes structurants visent à bâtir un modèle durable où l’Afrique produira, distribuera et contrôlera ses propres médicaments, tout en stimulant l’emploi, la recherche et l’innovation locale. Le comité national algérien, installé officiellement à Alger, aura pour mission de coordonner les aspects scientifiques, logistiques et diplomatiques de la conférence. Il veillera également à l’implication active des secteurs public et privé, des universités, des laboratoires de recherche, des institutions financières et des opérateurs industriels. L’objectif est clair : faire de ce sommet un espace d’échanges, mais surtout un lieu de décisions, de partenariats structurants et de projets concrets qui renforceront la sécurité sanitaire du continent.
Au-delà de l’organisation matérielle de la conférence, l’Algérie entend jouer un rôle moteur dans l’émergence d’un partenariat sud-sud fondé sur la science, l’innovation et la solidarité. Cette ambition s’inscrit dans la vision du président Tebboune, qui appelle à une Afrique unie, résiliente et capable de produire ses propres solutions sanitaires. En plaçant la santé au centre du développement, l’Algérie défend un modèle fondé sur l’intégration, l’autonomie et le partage des connaissances. À travers ce grand rendez-vous continental, l’Algérie confirme son engagement à œuvrer pour une souveraineté pharmaceutique africaine forte et durable. Ce sommet, pensé comme un acte fondateur, pourrait bien marquer le début d’une nouvelle ère : celle d’une Afrique capable de concevoir, produire et distribuer ses propres médicaments, libre des contraintes de dépendance extérieure, et pleinement actrice de son avenir sanitaire et industriel. Une ambition légitime, portée par une volonté politique affirmée et soutenue par une mobilisation continentale sans précédent.
R.E
