Le moudjahid Abdelkader Bourmada (93 ans) se souvient avec beaucoup de détails du déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954 à Khenchela lorsque les cinq premiers groupes de moudjahidine s’étaient lancés dans l’obscurité avant minuit pour attaquer l’armée de l’occupation française, annonçant l’engagement de la glorieuse Guerre de libération nationale.
Ce moudjahid a déclaré à l’APS que cette nuit a été annonciatrice du déclenchement de la Révolution, à la suite de la réunion tenue par Abbas Laghrour au lieudit Chaabat El Ghoula dans la commune d’El Hamma, avec des attaques ciblant le transformateur électrique, la sous-préfecture et des sièges de sécurité de l’occupant français au centre-ville de Khenchela.
« Tout a été planifié et tout le monde, y compris les moudjahidine footballeurs de l’USM Khenchela qui venaient de disputer le 31 octobre 1954 un match face au Club sportif constantinois (CSC), s’étaient retrouvés au lieu du rendez-vous choisi par Laghrour dans une zone forestière densément boisée, aux limites entre Khenchela et El Hamma », se souvient le moudjahid Bourmada.
Avant le départ de chaque groupe vers la cible à frapper qui venait de lui être signifiée, Abbas Laghrour a prononcé un discours dans lequel il a révélé le mot secret que devaient retenir les moudjahidine pour communiquer entre eux, a-t-il confié.
« Je faisais partie d’un groupe de six moudjahidine dirigés par Abbas Laghrour et qui étaient chargés d’attaquer la sous-préfecture. Je portais dans un couffin des bouteilles d’essence, avec le moudjahid Mohamed Chami. Laghrour a tiré et abattu un officier français, engageant l’accrochage. Nous avons ensuite incendié le siège avant de nous replier vers Chaabet El Ghoula, sains et saufs », raconte ce moudjahid.
« Le moudjahid Tidjani Athmania avait fait exploser le transformateur électrique, plongeant dans l’obscurité la ville et favorisant aux autres groupes leurs offensives qui étaient dirigées contre le siège de la gendarmerie française, la caserne et le commissariat de police », témoigne-t-il.
Poursuivant son récit sur les premières heures de la Révolution à Khenchela, il a ajouté qu' »à la fin de notre mission, je me suis dirigé avec un autre compagnon d’arme vers un petit village d’El Hamma où nous avions passé la nuit, mais aux premières heures du matin et alors que nous dormions, les forces de l’ennemi nous avaient arrêtés et emprisonnés ».
Le même moudjahid a évoqué avec effroi son séjour pénible à la tristement célèbre prison de Lambèse (Batna), précisant que dès les premiers jours de son arrestation, il s’était rendu compte que la découverte des noms de certains membres des groupes ayant déclenché la Révolution du 1er novembre à Khenchela était le fait d’une dénonciation.
Et d’ajouter: « Dans la prison, je subissais quotidiennement les pires tortures, outre la privation de nourriture, et je tombais souvent évanoui. A mon réveil, les geôliers reprenaient la torture au point que mon corps a fini par s’y habituer ».
Bourmada se souvient de ses très longues années de prison qu’il n’avait quittée qu’à l’été 1962 pour retrouver sa famille. « C’était avec une joie incommensurable que j’ai accueilli tout comme les autres prisonniers l’annonce du cessez-le-feu, le 19 mars 1962, suivie de l’indépendance de notre pays ».
