Bédrani Slimane, professeur de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie d’Alger«Il faut interdire le pâturage intensif»

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Quelles sont les principales causes qui expliquent la dégradation avancée des parcours steppiques ?

Les deux causes principales sont le changement climatique et la surexploitation des parcours par le surpâturage. Le changement climatique se lit à travers les sécheresses récurrentes qui sévissent depuis les années quarante et qui se traduisent par une baisse drastique des précipitations. Cela, bien sûr, nuit à la reproduction du couvert végétal et donc à la capacité de ce dernier à fournir de l’alimentation à un cheptel conséquent.
La surexploitation des parcours par le surpâturage s’est propagée parallèlement à la détérioration des conditions climatiques tout au long du siècle dernier et continue de se manifester au cours du siècle courant. La quantité de cheptel présent sur les parcours a considérablement augmenté, entraînant une baisse de la reproduction des plantes annuelles (les plantes sont broutées avant qu’elles ne produisent des graines) et la disparition progressive des plantes pérennes (alfa, armoises,…).
Ces deux phénomènes (changement climatique et surpâturage) se conjuguent pour provoquer la situation de désertification dramatique des parcours steppiques.
Il faut ajouter une troisième cause : la fourniture à bas prix d’orge importée aux éleveurs lors des années de sécheresse. Cette politique avait conduit les éleveurs à ne pas limiter leur cheptel à la quantité disponible de fourrages naturels. Ce qui conduit à la surcharge des parcours et au surpâturage.

Comment sauver ce qui reste de l’alfa, plante qui était utilisée pour l’industrie du papier ?

L’alfa – dont on peut faire germer des graines en laboratoire – ne se reproduit pas naturellement parce que les conditions climatiques ne le permettent pas. La seule façon de la préserver dans les rares endroits où elle subsiste est d’interdire le pâturage intensif. Les agropasteurs qui exploitent ces endroits doivent être contrôlés par les pouvoirs publics pour limiter la charge de cheptel qu’ils y font paître en fonction des saisons et des pluies (le bétail steppique ne broute l’alfa que s’il ne trouve rien d’autre à se mettre sous la dent).

Quelle lecture faites-vous au sujet des programmes du Haut-commissariat au développement de la steppe?

Les programmes du HCDS consistent principalement à organiser et surveiller des zones de mise en défens et à équiper les zones steppiques en points d’eau. Les deux actions sont nécessaires mais doivent faire l’objet d’un suivi permanent qui puisse assurer leur longévité. En effet, ce que l’on constate jusqu’à maintenant, c’est la rapide dégradation des zones mises en défens une fois qu’elles sont remises en exploitation, dégradation due à la gestion non raisonnée de ces zones (en particulier la limitation de la charge de bétail en fonction de l’importance variable du couvert végétal). Il serait utile que cette politique de mise en défens soit menée avec des pasteurs et agropasteurs ayant une exploitation exclusive de parties de parcours steppiques, parties prenantes à qui le HCDS imposera un cahier des charges et fournira une aide logistique et des conseils.

Arrivera-t-on un jour à freiner l’avancée du sable ?

Contrairement à ce que certains croient, le sable que l’on trouve sur la steppe n’est pas celui qui vient du Sahara ; les sables des dunes du grand erg occidental n’avancent pas vers le Nord. Le sable présent sur la steppe est celui qui est formé sur place par l’érosion éolienne sur les terres de parcours cultivées sans irrigation (en sec) et piétinées par un trop grand nombre d’animaux.
M.M

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