Demain, l’Algérie commémorera le 65ᵉ anniversaire d’un moment fondateur, un souffle populaire irrésistible qui a marqué l’histoire contemporaine de notre pays : les manifestations du 11 décembre 1960.
En ce jour-là, le peuple algérien, un et indivisible, a fait entendre au monde le cri définitif de son destin : l’Algérie serait indépendante, et rien ne pourrait plus en détourner le cours.
Ce silence longtemps imposé par la machine coloniale s’est fissuré lorsque, dans de nombreuses villes du pays, femmes, hommes et jeunes sont sortis affirmer haut et fort qu’ils n’accepteraient plus le mensonge d’un « vivre ensemble » imposé, ni le mythe usé de « l’Algérie française ».
Leurs voix, mêlées dans un même élan, ont porté un message dont l’écho continue de résonner à travers les générations : notre pays n’est pas une possession, il est une patrie.
Le 11 décembre 1960 n’a pas surgi par hasard.
L’année précédente, puis au début de 1960, Charles de Gaulle avait tenté de détourner l’opinion internationale en proposant un nouveau concept politique, « l’Algérie algérienne », après l’échec flagrant de « l’Algérie française ».
Présenté comme une ouverture, ce projet n’était en réalité qu’une stratégie pour neutraliser la Révolution, affaiblir le mouvement national et façonner une société hybride placée sous la tutelle permanente de Paris.
Une manière subtile de maintenir l’emprise coloniale, sous un vernis de modernité.
Mais le peuple algérien n’était pas dupe.
Sa maturité politique, son unité et sa fidélité aux principes sacrés de la Déclaration du 1ᵉʳ Novembre lui permirent, une fois de plus, de démasquer cette manœuvre.
Dans les rues d’Alger, d’Oran, de Constantine, d’Aïn Témouchent et d’autres villes, les Algériens rejetèrent toute tentative de dilution identitaire.
Leur mot d’ordre, clair et sans concession, s’imposa sur les banderoles et dans les slogans : « Algérie musulmane et indépendante ».
La première étincelle jaillit le 9 décembre à Aïn Témouchent, lors de la visite de De Gaulle.
Les jeunes, porteurs de la flamme de la liberté, ouvrirent la marche.
Deux jours plus tard, le pays tout entier vibra au rythme de cette insurrection pacifique et résolue.
La France coloniale, qui avait tenté d’imposer un blackout médiatique, vit son discours s’effriter.
La presse algérienne clandestine, tout comme la presse internationale, brisa le mur du silence et exposa au monde l’ampleur d’un soulèvement que nul ne pouvait désormais étouffer.
De Gaulle lui-même, dans ses mémoires, avoua son désarroi face à l’ampleur de ce tournant : « Ce que j’ai vu de mes propres yeux pendant cinq jours, ce que j’ai entendu et ce qui s’est ancré dans mon esprit m’ont donné une image claire de la réalité en Algérie : la guerre touche à sa fin.
» Il comprit que la bataille politique était perdue, que l’histoire avait tranché.
Les manifestations du 11 décembre 1960 ont ouvert une brèche décisive dans l’édifice colonial.
Sur la scène internationale, elles ont redonné un souffle immense à la diplomatie révolutionnaire.
À New York, où la question algérienne était portée avec conviction par les soutiens de la Révolution, l’écho des rues algériennes fit bouger les lignes.
Le 19 décembre 1960, l’Assemblée générale des Nations unies adopta une résolution historique appelant à l’application du droit à l’autodétermination pour les peuples colonisés.
Cette résolution venait légitimer, sur le plan juridique et politique, ce que le peuple algérien revendiquait depuis le début : un droit naturel, inaliénable et non négociable.
Ce moment de bascule, fierté nationale gravée dans notre mémoire collective, fut aussi un cauchemar pour les milieux les plus nostalgiques de l’ordre colonial.
Certains, en France, refusèrent d’accepter la fin inévitable de l’empire.
Cette résistance acharnée à la vérité historique perdure, encore aujourd’hui, dans quelques cercles extrémistes qui tentent, en vain, de ralentir le cours du temps et d’édulcorer la réalité du colonialisme.
Commémorer le 11 décembre 1960, 65 ans après, ce n’est pas seulement honorer des marches étouffées dans le sang, ni se remémorer des slogans levés au-dessus de la peur.
C’est rappeler que la force d’un peuple réside dans sa conscience politique, dans son unité et dans sa capacité à dire « non » quand tout semble conçu pour l’en empêcher.
C’est reconnaître que la victoire du mouvement national n’a pas été seulement militaire : elle fut d’abord morale, populaire, collective et profondément légitime.
C’est enfin transmettre aux générations d’aujourd’hui « celles qui construisent l’Algérie de demain » la signification profonde de cette date : un peuple, même soumis, même déchiré, peut renverser les calculs des puissants lorsqu’il marche avec la certitude de défendre sa dignité et son avenir.
En ces temps où les mémoires s’effacent trop vite, où l’Histoire est parfois travestie par l’oubli ou le déni, le 11 décembre 1960 demeure un repère.
Un rappel vibrant que l’Algérie ne s’est pas libérée par hasard, mais par la volonté inébranlable de ses enfants.
Un enseignement précieux, dont la profondeur dépasse largement le cadre commémoratif.
Demain, en revisitant cet épisode lumineux, l’Algérie ne tourne pas une page : elle ravive une flamme.
La flamme d’un peuple qui, un jour de décembre 1960, a décidé collectivement que sa liberté n’était plus une aspiration, mais une certitude.
REDACTION
