L’Assemblée populaire nationale a vécu, mardi, une séance de travail marquante consacrée à l’examen d’un texte législatif attendu depuis plusieurs années : le nouveau projet de loi portant Code de la route.
Présenté par le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports, Saïd Sayoud, en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Nadjiba Djilali, ce projet s’inscrit dans la volonté affichée de l’État de moderniser en profondeur la réglementation routière, de renforcer la prévention et de s’attaquer avec fermeté au fléau persistant de l’insécurité sur les routes algériennes.
Dès l’ouverture de son intervention, le ministre a souligné que la révision du Code de la route constitue plus qu’un simple ajustement réglementaire : elle représente, selon lui, « une étape importante vers le renforcement de la sécurité routière et une meilleure organisation de la circulation en adéquation avec le nombre croissant de véhicules et l’évolution rapide des infrastructures ».
Ce texte vient répondre à une réalité préoccupante, celle d’un parc automobile en expansion permanente, d’une densification du trafic sur l’ensemble du territoire et d’une montée persistante des comportements dangereux.
Le projet de loi ne se limite pas à moderniser les dispositions existantes ; il porte une ambition claire, dictée par les orientations du président de la République, M.
Abdelmadjid Tebboune : réduire drastiquement les accidents de la route, intensifier la sensibilisation à la sécurité routière et durcir les sanctions en cas d’infractions graves, afin de protéger durablement les vies humaines et les biens.
Les chiffres avancés par le ministre ont rappelé l’urgence de la situation.
Durant la période 2022-2024, pas moins de 24 644 accidents ont été enregistrés à travers le pays.
Ils ont fait 33 513 blessés et causé la mort de 3 159 personnes.
Au-delà du drame humain, ces accidents ont engendré des pertes financières colossales, estimées à près de 230 milliards de dinars pour la seule année 2022, selon un rapport de l’Inspection générale des finances.
Des chiffres qui témoignent, année après année, d’un déséquilibre inquiétant entre l’effort de prévention et son impact réel sur le terrain.
Pour Saïd Sayoud, le facteur humain demeure l’une des principales causes de cette hécatombe routière.
Le nouveau Code accorde ainsi une place centrale à la responsabilisation de l’ensemble des acteurs : conducteurs, passagers, piétons, professionnels du transport, organismes de contrôle et institutions de formation.
Le texte prévoit des mesures strictes et dissuasives contre les comportements contraires à la réglementation, en misant sur la prévention, la formation, le contrôle et la répression.
Concernant l’obtention du permis de conduire, la réforme introduit des dispositions inédites, notamment le dépôt d’un dossier complet auprès des auto-écoles, incluant un certificat médical attestant de l’aptitude du candidat à la conduite et des analyses obligatoires confirmant l’absence de consommation de stupéfiants.
Le projet impose également une formation théorique et pratique adaptée à chaque catégorie de permis, tout en instituant un examen médical périodique pour les conducteurs, comprenant un dépistage systématique de la consommation de substances illicites.
L’objectif est clair : garantir que seuls des conducteurs réellement aptes prennent la route.
La conduite professionnelle bénéficie d’une attention particulière dans le nouveau texte.
Les secteurs du transport collectif de personnes, du transport scolaire, des taxis, du transport de marchandises ou encore des produits dangereux seront soumis à des exigences renforcées en matière de formation et de recrutement.
Ces activités, qui impliquent une grande responsabilité vis-à-vis du public, devront répondre à des standards plus stricts afin de réduire les risques d’accidents souvent dramatiques.
Le projet de loi entend également moderniser les moyens de contrôle mis à la disposition des agents de sécurité routière.
Il prévoit l’utilisation d’équipements technologiques actualisés, tels que des dispositifs de paiement électronique des amendes, des appareils de détection de stupéfiants et des instruments de pesée des charges aux différents points de contrôle.
Ces outils permettront un suivi instantané des infractions et une meilleure traçabilité des comportements à risque.
Une autre nouveauté majeure réside dans la création d’un corps d’agents assermentés chargés du contrôle technique des véhicules.
Tous les contrôleurs techniques, experts des mines et experts agréés devront désormais prêter serment devant la justice.
Cette mesure vise à protéger l’intégrité du processus de contrôle technique, un maillon essentiel pour garantir la conformité des véhicules en circulation.
Dans le même esprit, le projet criminalise la délivrance frauduleuse de procès-verbaux de contrôle technique.
Toute omission volontaire d’un défaut ou toute falsification d’informations engage désormais la responsabilité civile et pénale des contrôleurs, propriétaires d’agences, experts et autres intervenants.
La responsabilité peut aussi être étendue aux responsables d’auto-écoles, aux inspecteurs du permis de conduire et à toute personne reconnue complice dans l’obtention irrégulière d’un permis.
Cette disposition marque un tournant décisif dans la lutte contre les négligences et les réseaux de fraude.
Les organismes impliqués dans l’entretien des routes, les entreprises d’importation ou de fabrication de pièces détachées, ainsi que les distributeurs de pièces non conformes aux normes seront également soumis à des obligations renforcées.
Le texte prévoit d’engager leur responsabilité en cas d’atteinte à la sécurité routière.
Le projet introduit par ailleurs la création d’un « système national des points noirs », une base de données destinée à identifier, cartographier et suivre les zones les plus accidentogènes du pays.
Ce système sera alimenté en continu par les services de sécurité, les établissements de santé, la protection civile et l’ensemble des intervenants du secteur.
L’objectif est de fournir aux autorités locales et nationales un outil fiable pour intervenir de manière ciblée et prioritaire.
Sur le plan pénal, le texte apporte une innovation majeure : pour la première fois dans la législation algérienne, certaines infractions routières seront classées comme crimes, en fonction de leur gravité.
Les sanctions correspondantes seront adaptées à ce nouveau classement, avec des peines plus lourdes et des mesures complémentaires, telles que le retrait ou l’annulation du permis de conduire, la confiscation du véhicule ou l’obligation, pour le contrevenant, d’assister à des formations de sensibilisation à la sécurité routière à ses propres frais.
La juridiction compétente pourra également ordonner un examen médical afin d’évaluer les capacités physiques et psychologiques du conducteur.
Enfin, le projet propose l’institution d’une Journée nationale de la sécurité routière, qui sera célébrée chaque année à la date de promulgation de la nouvelle loi.
Cette journée se veut un rendez-vous annuel de sensibilisation, d’information et de mobilisation citoyenne autour de la prévention routière.
Une cellule de veille sera aussi créée dans chaque commune afin d’identifier les points noirs et coordonner les interventions locales.
Avec ce texte ambitieux, les pouvoirs publics espèrent insuffler une nouvelle dynamique nationale de sécurité routière, fondée sur la prévention, la modernisation des outils de contrôle, la responsabilisation et la fermeté.
Un chantier de longue haleine qui vise à transformer durablement les comportements sur les routes algériennes et à réduire, enfin, une tragédie humaine devenue insoutenable.
R.N
