Le projet de loi de finances pour l’exercice 2026 a été au cœur des débats, mardi soir, au Conseil de la Nation. Présenté par le ministre des Finances, Abdelkrim Bouzred, le texte révèle une ambition claire de l’État : orienter l’économie nationale vers un financement structurant, basé sur de grands investissements de développement, tout en consolidant les réformes économiques et en promouvant une diversification durable. Lors de cette séance plénière présidée par M. Azouz Nasri, président du Conseil de la Nation, et en présence de la ministre des Relations avec le Parlement, Nadjiba Djilali, ainsi que de plusieurs membres du gouvernement, M. Bouzred a exposé les lignes directrices de cette loi de finances, adoptée en première lecture par l’Assemblée populaire nationale le 18 novembre dernier. L’objectif annoncé est clair : renforcer la croissance économique, améliorer les mécanismes de financement et assurer l’efficacité de la gestion des ressources publiques.
Des investissements ciblés pour un développement structurant
Selon le ministre des Finances, la dette publique, estimée à près de 17 000 milliards de DA, est désormais orientée vers des investissements à rendement économique tangible. À titre d’exemple, 2 500 milliards de DA de cette dette ont été consacrés à des projets d’infrastructure stratégiques, tels que le renforcement du réseau électrique par Sonelgaz et la construction de stations de dessalement de l’eau de mer. Ces investissements ont permis de soutenir le développement agricole et industriel, en particulier dans les wilayas du Sud, et d’ouvrir la voie à des projets longtemps retardés, comme le phosphate de l’Est du pays ou le complexe minier et ferroviaire de Gara Djebilet. « Atteindre l’autosuffisance en produits agricoles constitue un objectif central », a souligné M. Bouzred. Pour ce faire, l’État mise sur des infrastructures adaptées et des conditions favorables aux investisseurs, notamment dans les régions stratégiques du Sud. Le ministre a également rappelé que depuis 2020, plusieurs dossiers clés, comme l’équipement du secteur éducatif, ont été traités pour rattraper les retards accumulés par les politiques économiques antérieures, qui n’avaient pas suffisamment soutenu l’investissement productif.
Diversification économique et soutien aux secteurs hors hydrocarbures
Le projet de loi de finances 2026 prévoit un budget de dépenses de l’État s’élevant à 17 636,7 milliards de DA, tandis que les recettes budgétaires sont estimées à 8 009 milliards de DA, sur la base d’un prix de référence du baril de pétrole à 60 dollars et d’un prix de marché à 70 dollars. Les recettes pétrolières devraient ainsi atteindre 2 697,9 milliards de DA. Le ministre a mis en avant la performance des secteurs hors hydrocarbures, en particulier l’agriculture, l’industrie et le bâtiment. L’année dernière, l’industrie a enregistré une croissance de 6 %, contre seulement 0,3 % pour les hydrocarbures, démontrant la progression de la diversification économique. Les projections macroéconomiques sont également ambitieuses : le taux de croissance national devrait s’établir à 4,1 % en 2026, 4,4 % en 2027 et 4,5 % en 2028, avec une croissance hors hydrocarbures oscillant entre 6 et 7 %. Parmi les mesures innovantes proposées, la LF 2026 intègre des dispositions pour renforcer la gestion des dépenses imprévues, permettant une intervention rapide en cas d’urgence sans recourir à une loi de finances complémentaire. De même, le gouvernement pourra prélever une partie des bénéfices des entreprises publiques économiques (EPE) uniquement lorsqu’elles sont bénéficiaires et financièrement solides, conformément au code de commerce.
Numérisation et modernisation de l’administration
La modernisation numérique des administrations constitue un axe majeur de la loi de finances 2026. Le ministre a insisté sur les progrès réalisés dans les secteurs fiscaux, douaniers et du domaine national, où des systèmes numériques avancés seront généralisés d’ici la fin de l’année. En 2026, le lancement du livret foncier électronique permettra une gestion plus fiable des dossiers cadastraux et immobiliers. Dans le secteur des impôts, un nouveau système de gestion des dossiers fiscaux pour 2,6 millions d’opérateurs réduira l’intervention humaine et renforcera la transparence. Par ailleurs, un système informatique dédié au Trésor public est en cours de développement pour numériser l’ensemble des opérations financières, garantissant une meilleure maîtrise budgétaire et un contrôle efficace des dépenses.
Réforme du commerce de troc et soutien aux projets locaux
M. Bouzred a également abordé le commerce de troc dans les wilayas du Sud, soulignant sa valeur économique et l’importance de réviser son cadre juridique. La loi sur les marchés publics spécifiques aux régions du Sud est en préparation, visant à lever les obstacles et à accélérer la réalisation des projets. Le ministre a insisté sur le respect strict des délais locaux et l’efficience des investissements publics.
Lutte contre l’économie informelle et amélioration du pouvoir d’achat
Le débat parlementaire a été animé par les préoccupations des élus sur l’économie parallèle et le pouvoir d’achat. Le rapport de la Commission des affaires économiques et financières a révélé que 34 % de la masse monétaire échappe au circuit officiel, posant un défi majeur à la régulation financière. Les sénateurs ont questionné le ministre sur la réduction du déficit du Trésor, le recouvrement fiscal, l’emploi, et le soutien à l’investissement, en insistant sur l’amélioration concrète du niveau de vie des citoyens. Sur le commerce extérieur, M. Bouzred a salué les mesures prises par le président de la République pour mieux maîtriser les importations et le marché des devises, tout en précisant que les frais d’expédition des produits importés resteront en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025 afin de faciliter les opérations logistiques. Quant à la question de l’importation des véhicules, les sénateurs ont appelé à une réévaluation des licences pour les véhicules de moins de cinq ans.
Soutien aux wilayas nouvelles et aux projets stratégiques
Le ministre a apporté des précisions sur le budget des onze nouvelles wilayas récemment créées. Ces entités, anciennement des wilayas déléguées, disposent désormais des ressources nécessaires pour fournir des services publics efficaces. La numérisation des services clés, notamment dans les domaines des finances et du budget, sera étendue à ces wilayas pour améliorer la transparence et la rapidité des opérations administratives.
Fonds de régulation des recettes et gestion de la dette
M. Bouzred a également expliqué l’utilisation du Fonds de régulation des recettes (FRR), soulignant que ses ressources ont servi à couvrir les dépenses publiques et à rembourser la dette, réduisant ainsi le déficit budgétaire. Selon lui, cette démarche s’inscrit dans une stratégie cohérente avec l’objectif initial du fonds : stabiliser l’économie et financer les investissements à rendement économique.
Perspectives et ambitions pour 2026
L’année 2026 sera ainsi marquée par la consolidation des grands projets d’infrastructure, le soutien à la diversification économique, l’autosuffisance alimentaire et la modernisation numérique des services publics. Le projet de loi de finances prévoit également des transferts sociaux et des subventions pour soutenir le pouvoir d’achat, notamment dans les secteurs de l’éducation, des retraites et des produits de large consommation, avec un montant global de 6 005 milliards de dinars consacré aux dépenses de transfert. M. Bouzred a insisté sur l’importance de maintenir la dynamique économique hors hydrocarbures, de valoriser les investissements productifs et de renforcer la régulation du marché financier, tout en assurant la continuité des services publics et l’efficience des dépenses publiques. Les mesures adoptées visent non seulement à renforcer la performance économique, mais aussi à créer un environnement favorable aux investisseurs, en particulier dans les secteurs stratégiques de l’agriculture, de l’industrie, du tourisme et des infrastructures. Le texte de loi de finances 2026 traduit une vision économique ambitieuse de l’État algérien, centrée sur la diversification, la modernisation et l’efficacité de la gestion financière. En orientant la dette publique vers des investissements structurants, en soutenant les secteurs porteurs et en modernisant l’administration par la numérisation, le gouvernement entend renforcer la résilience de l’économie nationale et améliorer concrètement le niveau de vie des citoyens. Le projet sera soumis au vote en séance plénière jeudi prochain, marquant ainsi une étape cruciale pour la mise en œuvre de cette politique économique ambitieuse, qui conjugue vision stratégique et réponse aux préoccupations quotidiennes des Algériens.
R.E
