La planète s’épuise à vue d’œil. Les terres nourricières, socle de toute civilisation,
se meurent sous le poids de décennies d’exploitation intensive. 
Dans son rapport annuel publié lundi, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) tire la sonnette d’alarme : 1,7 milliard de personnes vivent désormais dans des zones où la dégradation des terres compromet gravement la productivité agricole et la sécurité alimentaire mondiale.
Ce constat glaçant résonne comme une urgence planétaire que nul ne peut ignorer.
La FAO définit la dégradation des terres comme une diminution durable de leur capacité à fournir des biens et services écologiques essentiels : cultures, filtration de l’eau, stockage du carbone, régulation climatique ou encore maintien de la biodiversité.
Autrement dit, la terre, ce bien commun irremplaçable, perd sa vitalité.
Ce processus s’explique en partie par des causes naturelles « érosion, désertification, salinisation, raréfaction de la couverture végétale » mais l’organisation insiste sur le rôle déterminant des activités humaines.
La déforestation massive, le surpâturage, les pratiques agricoles et d’irrigation non durables ont fragilisé les sols au point d’en altérer la structure et la fertilité.
Le phénomène touche toutes les latitudes, mais les régions les plus affectées sont l’Asie du Sud et de l’Est, où les pressions démographiques et agricoles sont immenses.
Dans ces zones, la perte de productivité se traduit par une insécurité alimentaire chronique, des migrations forcées et une paupérisation accélérée des communautés rurales.
La FAO alerte également sur un paradoxe : dans les pays développés, les effets de la dégradation sont souvent masqués par l’utilisation d’intrants chimiques « engrais, pesticides, herbicides » qui dopent artificiellement les rendements à court terme, tout en accentuant la destruction des sols à long terme.
Ce cercle vicieux entretient une dépendance aux produits chimiques, tout en fragilisant davantage les écosystèmes et les économies rurales.
Pour mesurer l’ampleur du désastre, la FAO a comparé trois indicateurs fondamentaux : la perte de couverture arborée, l’érosion des sols et le carbone stocké dans la terre et la végétation.
Résultat : des millions d’hectares de terres arables ont perdu une part significative de leur potentiel productif, réduisant ainsi les moyens de subsistance de populations entières.
Certaines régions sont même devenues impropres à la culture, entraînant des abandons massifs de terres.
Pourtant, la FAO refuse de céder au pessimisme.
« La dégradation des terres n’est ni inévitable ni irréversible », souligne le rapport.
Une politique volontariste pourrait renverser la tendance.
L’organisation avance un chiffre porteur d’espoir : restaurer seulement 10 % des terres dégradées permettrait de nourrir 154 millions de personnes supplémentaires chaque année.
Cette perspective prouve que des solutions existent, à condition que la communauté internationale prenne la mesure de l’enjeu.
Les instruments proposés sont multiples : interdictions de déforestation, paiements pour services écosystémiques, subventions conditionnelles au respect de normes environnementales, et programmes de reboisement à grande échelle.
Ces politiques doivent être accompagnées d’une transformation profonde des systèmes de production agricole, favorisant la rotation des cultures, l’agroforesterie et la valorisation des pratiques traditionnelles durables.
L’enjeu dépasse largement le seul cadre agricole.
Il s’agit d’un défi économique, social et géopolitique.
Les terres fertiles sont à la base de la stabilité politique, de la prospérité et de la paix.
Lorsque les sols meurent, les sociétés s’effondrent.
Les pertes économiques engendrées par la dégradation sont estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars par an, soit bien plus que le coût des actions correctives nécessaires pour inverser la tendance.
L’alerte de la FAO doit donc être entendue comme un appel à une gouvernance mondiale du sol, à l’image de ce qui existe pour le climat ou la biodiversité.
Car si la planète dispose de ressources finies, la croissance démographique et la demande alimentaire ne cessent de croître.
Chaque hectare préservé devient un enjeu stratégique pour les générations futures.
Sans une action rapide et concertée, les conséquences seront irréversibles : famines, exodes, conflits liés à la terre et effondrement des écosystèmes.
En conclusion, la dégradation des terres n’est pas une fatalité.
Elle résulte de choix humains, et donc de politiques humaines.
Restaurer la santé des sols, c’est redonner vie à la planète et espoir à des millions d’êtres humains.
Le message de la FAO est clair : il n’est plus temps de constater, il est temps d’agir, avant que la Terre nourricière ne se transforme définitivement en Terre stérile.
R.E
