TIPAZA« Ahmed El Noufi, le lion de Cherchell: une mémoire vivante de la Révolution algérienne »

dknews
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À Tipaza, la mémoire nationale se ravive à travers un ouvrage bouleversant et profondément documenté intitulé « Ahmed El Noufi, martyr de Cherchell ». Ce livre, signé par le journaliste et écrivain M’hamed Houaoura, vient enrichir la vaste bibliothèque de l’histoire de la Révolution du 1er Novembre 1954, en rendant un hommage vibrant à l’un des héros les plus valeureux de la région du littoral algérien.
Publié en septembre dernier par les éditions Presse de Chlef, l’ouvrage de 132 pages plonge le lecteur dans le destin fulgurant d’un jeune homme de 25 ans tombé les armes à la main, symbole de courage et de fidélité à la patrie.

M’hamed Houaoura, à travers un travail d’investigation entamé dès 2009, a rassemblé des témoignages vivants et des archives inédites pour retracer la vie du moudjahid Si Abdelhak El Noufi, enfant de Cherchell, ville antique et berceau de nombreuses figures révolutionnaires.
L’auteur fait revivre, à travers une narration à la fois journalistique et historique, le parcours d’un jeune homme né dans la pauvreté mais habité par une grandeur d’âme et un sens aigu du devoir national. Né le 29 janvier 1932, dans une Algérie meurtrie par l’injustice coloniale, Abdelhak Noufi grandit dans une atmosphère d’oppression.
Comme tant d’autres jeunes de son époque, il dut interrompre ses études précocement, à l’âge de douze ans. Mais cette enfance modeste fut déjà marquée par une soif de liberté.
Très tôt, il fréquente les militants du mouvement national, notamment Kimour Abderrahmane, le coiffeur patriote de Cherchell, et Alioui Belkacem, président du Mouloudia de Cherchell, club de football devenu à l’époque un foyer discret d’activisme politique.

Réquisitionné par l’armée coloniale, Abdelhak Noufi connaît de l’intérieur la discipline militaire et les techniques de combat. En août 1955, animé d’une conviction inébranlable, il déserte la caserne d’Annaba pour rejoindre les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN).
Cette décision marquera le début de son épopée héroïque, un parcours fait de bravoure, de sacrifices et de victoires éclatantes. Sous le commandement du légendaire Ali Khodja, il entame sa lutte dans les maquis de Lakhdaria, avant de rallier les zones de Hammam Melouane et Misra, près de Blida.
Là, il rencontre Aghbalou Hmimid, autre figure illustre de la wilaya IV historique, avec lequel il organise la résistance dans toute la région.
Ensemble, ils assurent la collecte des armes, la formation des nouveaux recrues et la structuration des unités combattantes, de Hammam Melouane jusqu’à Beni Milek, dans les montagnes de Tipaza.
Le courage et l’intelligence stratégique de Si Abdelhak le désignent rapidement comme un meneur d’hommes. À seulement 24 ans, il prend la tête d’un commando de 35 moudjahidine, chargé d’exécuter des opérations audacieuses contre les forces coloniales. Sous sa direction, plusieurs embuscades sont montées avec un succès retentissant, notamment dans les zones de Hajrat En Noss et Saadouna, sur les hauteurs de Gouraya, à la veille de l’Aïd El-Adha de 1956.

Ces victoires galvanisent les rangs de la résistance et font trembler l’occupant, qui voit en ce jeune chef un redoutable stratège. Mais le destin héroïque de Si Abdelhak El Noufi s’achève brutalement le 28 février 1957, lors de la fameuse bataille de Lalla Ouda, sur les hauteurs de Damous, à l’ouest de Tipaza.
Ce jour-là, son commando inflige des pertes considérables à l’armée française, parvenant même à abattre un avion ennemi dans une embuscade magistralement orchestrée.
Cependant, encerclé et blessé, le jeune chef refuse de se rendre et tombe au champ d’honneur, son arme serrée contre lui, dans un ultime geste de défi à l’occupant.
La réaction de l’armée coloniale fut d’une barbarie inouïe. En représailles, les soldats français transportèrent le corps du martyr sur un véhicule blindé, l’exhibant dans les rues de Damous et de Sidi Ghilas, avant de l’exposer sur la place du marché de Cherchell. Ce macabre spectacle, destiné à semer la peur, eut l’effet inverse : il enflamma la colère des habitants et renforça la détermination du peuple à poursuivre la lutte.
Pour les Algériens, cette image n’était pas celle de la défaite, mais celle d’un héros immortel, dont le sacrifice symbolisait la grandeur d’une nation en marche vers la liberté.
À travers son livre, M’hamed Houaoura redonne vie à cette page oubliée de l’histoire nationale et replace Ahmed El Noufi parmi les figures marquantes de la résistance algérienne.
L’ouvrage se veut non seulement un hommage à un homme, mais aussi une invitation à préserver la mémoire collective, à rappeler aux jeunes générations que l’indépendance fut conquise par le sang et la dignité.

En retraçant avec précision le parcours de ce fils de Cherchell, l’auteur fait œuvre de transmission historique et culturelle. Il révèle la profondeur du combat d’un peuple et l’importance de ces destins singuliers dans la construction de l’Algérie libre. Car, au-delà de la figure du martyr, se dessine dans ces pages la silhouette d’une génération entière, celle des héros silencieux qui ont fait de leur vie un acte d’amour absolu pour la patrie. Ainsi, « Ahmed El Noufi, martyr de Cherchell » n’est pas seulement un livre d’histoire : c’est un chant de mémoire, une leçon de courage et un appel à la fidélité envers les idéaux du 1er Novembre 1954, dont l’écho résonne encore aujourd’hui dans les ruelles de Cherchell et dans le cœur de tous les Algériens.
R.C

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