Dans l’immensité du Sahara, au cœur du majestueux massif de l’Ahaggar, souffle encore l’écho de la fierté d’un peuple indomptable.
Bien avant que la Révolution du 1er Novembre 1954 ne prenne forme, les populations de l’Ahaggar avaient déjà exprimé, avec courage et constance, leur rejet absolu de la présence coloniale française.
À travers leur attachement indéfectible à la terre, leur engagement dans les combats de libération et leur fidélité à l’unité nationale, les habitants du grand Sud ont fait de cette région un symbole éclatant de patriotisme et de résistance.
De par sa position géostratégique, ouverte sur le Sahel et les confins africains, la région de Tamanrasset fut bien plus qu’un territoire de repli : elle constitua un véritable bastion de la Révolution algérienne.
Dès les premiers jours du combat libérateur, elle devint une base arrière précieuse, offrant aux moudjahidine un soutien logistique, humain et matériel.
Les habitants, animés par une conscience politique remarquable, participaient activement à l’effort révolutionnaire à travers des dons, des cotisations et des réseaux de ravitaillement, souvent au péril de leur vie.
Selon Kada Bensebgag, représentant de la famille révolutionnaire d’Abalessa, l’Ahaggar a joué un rôle déterminant dans l’éveil des consciences.
Cette région, longtemps méconnue des centres urbains du Nord, a pourtant contribué de manière décisive à l’organisation du mouvement national, en servant de relais entre les maquis de l’intérieur et les soutiens africains.
Les grandes familles, les notables et les simples nomades unissaient leurs efforts pour nourrir, abriter et informer les combattants.
Ce maillage social et solidaire fut la clé d’une résistance enracinée dans la dignité et la foi en la liberté.
Le professeur Mohamed Idaber, membre de l’Organisation des enfants de moudjahidine, rappelle que l’Ahaggar a été l’un des fronts essentiels du Sud algérien sur lesquels s’est appuyée la Révolution.
Sa contribution ne se limitait pas à la logistique : elle fut aussi humaine et morale.
La région a enfanté de nombreux héros, des figures de commandement et des militants dont le courage et la clairvoyance ont consolidé l’intégrité territoriale du pays.
Ces hommes ont incarné l’esprit de la résistance, en conjuguant lutte armée et action politique, dans un contexte d’isolement géographique extrême et de surveillance coloniale étroite.
Parmi ces figures marquantes, Hadj Seddiki Oufenayet, aujourd’hui octogénaire, se souvient avec émotion de son engagement en tant que Moussabil, messager et éclaireur au service de la Révolution.
Dans sa jeunesse, il parcourait les pistes désertiques reliant Ahnet, In-Salah, Timiaouine et Tamanrasset pour transmettre des informations vitales sur les déplacements des troupes coloniales.
Il travaillait étroitement avec les moudjahidine basés à Taharat, dans la commune d’Abalessa, où l’Armée de libération nationale avait établi une position stratégique.
Ce vétéran évoque aussi sa formation auprès du Chahid Seddiki Bouamama, figure emblématique tombée au champ d’honneur en 1959 à Tamanrasset, et rappelle que bien avant 1954, l’Ahaggar avait déjà connu des soulèvements armés d’une ampleur historique.
En effet, la mémoire collective conserve les traces de batailles héroïques telles que Tit en 1902, Oued Tahrag en 1916, ou encore Ilmane en 1917, autant de résistances farouches contre l’occupation française.
Ces combats, menés avec des moyens rudimentaires mais une détermination sans faille, témoignent du rejet viscéral du colonialisme par les populations du Sud.
À travers les générations, cette flamme de révolte n’a jamais faibli : elle s’est transmise comme un héritage sacré, un devoir de fidélité à la patrie.
Le chercheur Mohamed Termezi, enseignant à l’université de Tamanrasset, met en lumière la portée politique de cette résistance.
Selon lui, la fermeté des habitants de l’Ahaggar a fait échouer les manœuvres coloniales visant à détacher le Sahara du reste du territoire national.
La France, consciente de l’importance stratégique de la région, avait tenté de semer la division en exploitant les rivalités tribales et en promettant aux notables des privilèges matériels.
Mais ces manœuvres furent vaines face à la loyauté des leaders locaux.
L’exemple le plus éclatant reste celui de l’Amenokal Bey Akhamouk, chef respecté de l’Ahaggar, qui refusa catégoriquement les offres de collaboration du pouvoir colonial.
Malgré les pressions et les promesses, il demeura fidèle à l’idéal national et soutint ouvertement l’action armée menée dans la région.
Autour de lui, une génération d’hommes d’honneur « Meloui Idaber, Sid El-Ouafi Hibaoui, Illou Guemmama, Moulay Ahmed Bradaï » poursuivit la lutte avec intelligence et courage.
Leur parfaite connaissance du terrain, des points d’eau et des pistes du grand désert fut mise au service de la cause nationale, facilitant la communication entre le Mali, le Niger et les maquis du Sud algérien.
C’est sur la base de ces liens et de cette organisation que fut constitué le front du Sud, pivot de la stratégie révolutionnaire.
Ce front ne se limita pas à un rôle d’appui ; il assura aussi la protection des frontières méridionales, essentielles à la continuité de la lutte.
Dans un contexte où la France tentait d’étouffer la Révolution par les lignes Challes et Maurice, l’Ahaggar devint un espace vital pour l’ouverture de voies de ravitaillement, la formation des combattants et la circulation des armes.
La géographie de la région, marquée par un relief escarpé et des zones difficilement accessibles, fut un atout précieux pour les moudjahidine.
Les montagnes et les oasis abritaient des camps et cantonnements, notamment à Tahart et Daghemouli, où s’organisaient les entraînements, le stockage des vivres et la planification des opérations.
Ces lieux sont aujourd’hui des symboles de mémoire nationale, témoins silencieux d’une épopée héroïque menée dans les conditions les plus rudes.
L’histoire retiendra que l’Ahaggar n’a jamais plié sous le joug colonial.
Son rôle fut central non seulement dans la lutte pour l’indépendance, mais aussi dans la préservation de l’unité nationale face aux visées de fragmentation du colonisateur.
Grâce à la clairvoyance de ses chefs et à la bravoure de ses enfants, cette région mythique du Sahara a su inscrire son nom dans le grand livre de la Révolution algérienne.
Soixante et onze ans après le déclenchement de la lutte de libération, la mémoire de ces résistants du Sud demeure vivante.
Elle rappelle que la liberté n’a pas été conquise dans les seuls maquis du Nord, mais aussi dans les vastes étendues désertiques où des hommes et des femmes, portés par un patriotisme pur, ont défié la puissance coloniale au nom de l’Algérie éternelle.
L’Ahaggar, par sa fidélité et son sacrifice, reste ainsi un pilier de l’histoire nationale.
Ses montagnes ne sont pas seulement des merveilles naturelles : elles sont les gardiennes silencieuses d’un passé glorieux, où chaque grain de sable, chaque rocher, chaque souffle du vent raconte le courage d’un peuple qui, face à l’occupation, a choisi l’honneur et la liberté.
R.N
