À Alger, une conférence-débat d’envergure consacrée aux intermédiaires financiers non bancaires (IFNB) a mis en lumière un maillon essentiel du futur système économique algérien. Sous le thème évocateur « Intermédiaires financiers non bancaires, une alternative pour le financement de l’économie », cette rencontre, organisée par l’Association des diplômés de l’Institut de financement du développement du Maghreb arabe (Ifidas) en collaboration avec la Commission d’organisation et de surveillance des opérations de bourse (Cosob), a réuni lundi soir un panel de hauts responsables, d’experts, d’universitaires et de professionnels du monde financier. L’objectif : explorer les voies et moyens de diversification des sources de financement, au moment où l’économie algérienne s’engage dans une transformation profonde vers le numérique, l’innovation et la connaissance.
La présence du ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises, Noureddine Ouadah, du président de la Cosob, Youcef Bouzenada, et du directeur général de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (Caci), Chakib Smail Kouidri, a donné à cette rencontre une dimension institutionnelle forte. Les débats ont révélé un consensus : le financement de l’économie algérienne doit impérativement s’appuyer sur de nouveaux leviers, complémentaires au système bancaire classique. Dans son allocution, le ministre Noureddine Ouadah a insisté sur l’importance croissante des IFNB dans un environnement marqué par la transition numérique et la montée de l’économie immatérielle. Selon lui, « la réussite d’ingénieurs algériens qui génèrent plusieurs millions de dollars sans infrastructures lourdes illustre parfaitement le potentiel de cette nouvelle économie ». Le ministre a rappelé que la création de son département visait précisément à accompagner cette mutation, en plaçant la connaissance, la créativité et l’investissement immatériel au cœur du développement national. Les réformes introduites dans la loi sur l’investissement traduisent cette vision : encourager l’innovation, valoriser les savoirs, et créer un écosystème favorable à la croissance intelligente. Le président de l’Ifidas, Ahmed Haftari, a, pour sa part, mis l’accent sur la nécessité de mobiliser l’épargne nationale au profit de l’investissement productif. Dans un contexte où les besoins de financement des entreprises ne cessent de croître, notamment pour les petites et moyennes entreprises, les intermédiaires non bancaires apparaissent comme une voie incontournable pour dynamiser l’économie.
En orientant les ressources vers des projets à forte valeur ajoutée, les IFNB peuvent non seulement faciliter l’accès au financement mais aussi soutenir l’innovation, la compétitivité et la diversification du tissu économique. Les IFNB englobent un large éventail d’acteurs : compagnies d’assurance, fonds d’investissement, sociétés de capital-risque, institutions de micro-finance ou encore plateformes de financement participatif. Tous contribuent à renforcer la profondeur et la résilience du marché financier national. Ce modèle, déjà adopté avec succès dans de nombreuses économies développées, se présente comme une réponse concrète à la nécessité d’alléger la pression sur le système bancaire traditionnel, souvent jugé rigide et peu adapté aux spécificités des start-up et des jeunes entreprises innovantes. Youcef Bouzenada, président de la Cosob, a rappelé que le poids des IFNB dans le financement mondial est désormais considérable : « Selon les données de la Banque mondiale, près de 50 % des actifs financiers mondiaux proviennent aujourd’hui de financements non bancaires. » Il a salué les efforts consentis par l’État pour développer ce secteur stratégique en Algérie, en citant des chiffres encourageants : cinq sociétés de capital-investissement sont actuellement actives, pour une capitalisation de 19 milliards de dinars, tandis que des fonds d’investissement créés au niveau des wilayas gèrent un portefeuille global de 58 milliards de dinars.
À la fin de l’année 2024, pas moins de 169 prises de participation, représentant une valeur de 7,8 milliards de dinars, ont été enregistrées. Pour la consultante Meriem Tarzaali, membre du Conseil scientifique de la Cosob, le rôle de ces acteurs non bancaires s’inscrit dans une logique de complémentarité : ils ne remplacent pas les banques, mais en élargissent le champ d’action. Les financements participatifs, explique-t-elle, « ont été un moteur déterminant de l’essor de nombreuses économies avancées », leur valeur ayant quasiment doublé entre 2011 et 2023. Lotfi Temam, directeur général de Tell Market, société de gestion de fonds agréée par le ministère des Finances, a quant à lui insisté sur la capacité des IFNB à accompagner les jeunes entreprises et les start-up, véritables catalyseurs du marché financier. Il s’est félicité de la promulgation récente des textes réglementaires encadrant l’activité des organismes de placement de capitaux à risque (OPCR), une avancée majeure qui ouvre la voie à un meilleur soutien des projets innovants et à la création d’emplois qualifiés. L’intervention du consultant tunisien Khaled Bettaieb a apporté un éclairage régional intéressant.
S’appuyant sur l’expérience de la Tunisie, il a expliqué que la montée en puissance des financements non bancaires a permis d’offrir des solutions souples et adaptées aux besoins spécifiques des PME et micro-entreprises, souvent exclues du système bancaire traditionnel. Ces modes de financement reposent moins sur les garanties matérielles que sur la pertinence et la viabilité économique des projets. Au fil des échanges, un message s’est imposé : les intermédiaires financiers non bancaires constituent une véritable passerelle entre la finance et la production, entre le capital et l’innovation. Ils favorisent la création de richesse réelle et encouragent une culture économique fondée sur la confiance, la performance et la transparence. Plusieurs intervenants ont souligné l’urgence de renforcer le cadre réglementaire et fiscal pour offrir à ces acteurs un environnement propice, tout en appelant à une meilleure coordination entre les institutions publiques, les investisseurs privés et les porteurs de projets.
En conclusion, cette rencontre a réaffirmé la conviction que le développement économique de l’Algérie passe par la diversification des sources de financement et l’ouverture à des modèles alternatifs. Dans un monde où la rapidité d’innovation et la flexibilité financière deviennent des critères de compétitivité, les IFNB représentent non seulement une solution, mais une nécessité. En capitalisant sur les atouts de la jeunesse, la créativité et le savoir, l’Algérie peut tracer la voie vers une économie plus résiliente, plus inclusive et durable — une économie où la finance devient un levier au service du développement, et non une contrainte.
ABED MEGHIT

 
			 
			 
		 
		 
		