Il y a soixante-trois ans, un vent d’histoire et de fierté soufflait sur les hauteurs d’Alger. Le 28 octobre 1962, le drapeau national fut hissé pour la première fois au sommet de l’immeuble de la Radiodiffusion-Télévision algérienne, au 21 boulevard des Martyrs. Ce geste, simple mais immensément symbolique, marquait la fin d’une ère coloniale et l’aube d’une indépendance totale — politique, culturelle et médiatique. En ce jour mémorable, les journalistes et techniciens français quittaient les lieux, laissant place à une génération de jeunes Algériens déterminés à ériger une radio et une télévision nationale digne de la liberté chèrement acquise. Ce souvenir vibrant a été ravivé, hier, à Alger, lors d’un colloque organisé par l’Assemblée populaire nationale (APN) sous le thème : « Médias et communication : du service à la Révolution de libération aux défis actuels ».
Une journée de mémoire et de réflexion, à la fois ancrée dans l’histoire et tournée vers l’avenir, où les intervenants ont rendu hommage aux pionniers de la presse algérienne et réfléchi au rôle crucial des médias dans la construction d’une Algérie moderne, forte et souveraine. Représentant le Premier ministre, le ministre de la Communication, M. Zouhir Bouamama, a ouvert les travaux en rappelant que la presse algérienne fut l’une des armes les plus redoutables de la Révolution de libération nationale. « Nos journalistes étaient des combattants de l’ombre, des soldats de la plume, des artisans de la conscience nationale », a-t-il déclaré, saluant leur courage et leur engagement. Ces hommes et femmes, souvent anonymes, avaient compris que la bataille de l’indépendance se gagnait aussi par la parole, par l’écrit et par la vérité. Le ministre a mis en lumière le rôle déterminant des journaux clandestins et des émissions radiophoniques de la Révolution, véritables bastions de la lutte intellectuelle et politique. Ils ont porté la voix du peuple algérien au-delà des frontières, brisant le silence imposé par la censure coloniale.
Ces médias, a-t-il rappelé, ont contribué à éveiller la conscience nationale et à galvaniser le peuple, préparant le déclenchement de la Révolution du 1er novembre 1954. M. Bouamama a également rendu hommage à la presse nationale post-indépendance, qui a accompagné les grandes étapes de la construction du pays. Par son professionnalisme et son sens des responsabilités, elle a été un pilier de l’unité nationale, un vecteur de cohésion et de progrès. Aujourd’hui encore, a-t-il souligné, « les médias algériens sont appelés à poursuivre cette mission noble : défendre les valeurs de la Nouvelle Algérie et préserver les acquis de la souveraineté retrouvée ». Dans un monde bouleversé par la désinformation et la guerre numérique, la presse, a-t-il ajouté, doit rester « le rempart de la vérité et la voix du peuple ». Prenant la parole à son tour, le président de l’APN, M. Ibrahim Boughali, a salué la mémoire des journalistes de la Révolution et rappelé que l’information, hier comme aujourd’hui, demeure un instrument de libération. « À l’époque, la parole journalistique n’était pas seulement une information, c’était un appel à la patrie, un cri du cœur, une promesse d’avenir », a-t-il affirmé. Pour lui, le journalisme algérien doit renouer avec cette essence patriotique, fondée sur la vérité, la dignité et la fidélité aux valeurs nationales. Face aux nouveaux défis de la révolution numérique, M. Boughali a exhorté les professionnels des médias à s’armer de rigueur, d’éthique et de responsabilité. Il a souligné la nécessité de contrer les campagnes de désinformation visant à saper l’unité et la stabilité du pays. « L’information, a-t-il déclaré, reste aujourd’hui un acte de résistance et un outil de souveraineté.
Elle doit continuer à défendre l’Algérie contre les manipulations, à promouvoir son image et à servir la cause de la vérité. » Dans cette perspective, le président de l’APN a rappelé que le rôle du journaliste ne se limite pas à rapporter les faits, mais à les inscrire dans une vision nationale, à porter un message de cohésion et d’espérance. Il a également mis en avant l’engagement constant de l’Algérie en faveur des causes justes, notamment celles du peuple palestinien et du Sahara occidental, en droite ligne avec les principes fondateurs de la Révolution de Novembre et l’héritage des martyrs. M. Boughali a salué la vigilance du peuple algérien et la solidité de ses institutions, en particulier celle de l’Armée nationale populaire, « garante de la sécurité et de la souveraineté, y compris dans les espaces numériques et médiatiques, désormais indissociables de la défense nationale ».
Cette journée commémorative a été bien plus qu’un hommage au passé : elle a réaffirmé la foi de l’Algérie en son destin médiatique, celui d’un pays maître de sa narration et de son image, fort de son indépendance et de son histoire. Soixante-trois ans après la levée du drapeau au 21 boulevard des Martyrs, l’esprit de 1962 continue d’inspirer une génération nouvelle de journalistes, d’éditeurs, de réalisateurs et de communicateurs décidés à hisser haut la voix de l’Algérie libre et souveraine. À travers les mots des responsables, une conviction s’est imposée : l’information demeure une arme de construction nationale, un outil de résistance face aux manipulations, mais aussi une source d’unité et de fierté. Car si l’indépendance a été conquise par le sang et le courage, sa pérennité se cultive chaque jour par la vérité, la lucidité et la responsabilité médiatique. Soixante-trois ans après, le drapeau flotte toujours sur le boulevard des Martyrs — non seulement au sommet d’un immeuble, mais dans le cœur d’une nation qui continue d’écrire son histoire, plume à la main et regard tourné vers l’avenir.
ABED MEGHIT
