Dans un monde marqué par les fractures religieuses et identitaires, l’Algérie s’impose comme un modèle rare et authentique de coexistence pacifique entre les croyances. C’est dans cet esprit que l’Archevêque d’Alger, Mgr Jean-Paul Vesco, a salué la politique algérienne en matière de dialogue inter religieux, la qualifiant d’« exemple à suivre » pour les nations du monde. Dans une interview accordée au quotidien Horizons, il a souligné la portée symbolique et humaine de la récente rencontre entre le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et le Pape Léon XIV au Vatican — un événement diplomatique d’une profondeur historique.
Une rencontre qui fait tomber les barrières
« Cette rencontre a d’abord été profondément humaine », a confié Mgr Vesco. Selon lui, elle a permis de faire tomber bien des barrières et de renouer un fil spirituel et diplomatique fort entre Alger et le Saint-Siège. Il rappelle que le Pape Léon XIV n’est pas étranger à l’Algérie : il s’y est rendu à deux reprises avant son élection, témoignant d’un attachement sincère à ce pays et à son peuple. De son côté, le président Tebboune a toujours affiché un profond respect envers l’Église catholique, un respect « pleinement réciproque », insiste l’Archevêque. Cette réciprocité traduit une vision commune : celle d’un monde fondé sur la reconnaissance mutuelle et la paix des religions.
Une relation bilatérale historique et renouvelée
Il faut remonter vingt ans en arrière pour retrouver trace d’une visite d’un président algérien au Vatican. La rencontre de juillet dernier revêt donc une portée exceptionnelle, tant par sa rareté que par sa symbolique. Pour l’Archevêque d’Alger, elle constitue un « signe fort de bonnes relations entre le Saint-Siège et l’Algérie ». Cette dynamique de rapprochement s’est d’ailleurs inscrite dans la continuité des efforts diplomatiques récents, notamment la visite, en octobre 2022, de Mgr Paul Gallagher, le « ministre des Affaires étrangères du Vatican », à l’occasion du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre les deux États. Ce moment marquant a confirmé, selon Mgr Vesco, « un approfondissement réel des échanges » et une volonté partagée de renforcer les ponts spirituels et culturels entre les deux institutions.
L’Algérie, terre de dialogue et de tolérance
Interrogé sur les leviers possibles pour approfondir le dialogue interreligieux, l’Archevêque a souligné que la politique de l’Algérie en la matière demeure un « exemple à suivre ». Pays musulman par essence, l’Algérie a toujours su préserver une place digne aux minorités religieuses, notamment chrétiennes.
L’Église y est présente depuis des siècles, avec Saint Augustin comme figure emblématique de la foi et de la pensée universelle. Après l’indépendance en 1962, le cardinal Duval avait encouragé les religieux à demeurer en Algérie pour témoigner qu’il était possible de vivre ensemble, dans le respect et la fraternité. Cet héritage, rappelle Mgr Vesco, « continue de nourrir le climat de coexistence et de confiance » entre les communautés.
L’Algérie, passerelle entre l’Orient et l’Occident
Face à la montée de l’islamophobie en Occident, l’Archevêque d’Alger appelle à la raison et à l’ouverture. Ce phénomène, dit-il, « existe effectivement » et se nourrit de la peur, de la méconnaissance et du repli identitaire.
Dans ce contexte, l’Algérie peut jouer un rôle clé : celui de « passerelle » entre le monde occidental et le monde arabo-musulman. Grâce à sa position géographique et à son histoire singulière, elle incarne cette double appartenance culturelle capable de rapprocher les peuples et de favoriser la compréhension mutuelle.
Pour une réconciliation des mémoires
Abordant la question sensible du colonialisme, Mgr Vesco n’élude pas les blessures du passé. Il évoque « une blessure de mémoire profonde liée à l’histoire coloniale en Algérie », ajoutant que « toute colonisation est une violence ». Une violence, selon lui, « qui n’a pas encore été pleinement reconnue ». Ce silence, explique-t-il, entretient les tensions persistantes entre l’Algérie et la France. Pour tourner cette page douloureuse, il appelle à une « réconciliation des mémoires », non pour accuser, mais pour libérer les générations futures de ce fardeau historique. « Oser la réconciliation, c’est ouvrir la voie à une paix des esprits », plaide-t-il, convaincu que la vérité et le pardon mutuel peuvent guérir les cicatrices du passé.
Un message universel de paix
À travers ses propos, Mgr Jean-Paul Vesco offre bien plus qu’un témoignage : il propose une vision du monde où la foi devient un pont et non une frontière. En saluant la politique du président Abdelmadjid Tebboune, il met en lumière une Algérie qui, forte de son histoire, de sa diversité et de sa sagesse, prouve qu’il est possible de conjuguer identité, tolérance et ouverture. Dans un contexte mondial souvent dominé par la méfiance et la division, le modèle algérien du dialogue interreligieux apparaît comme une boussole morale et diplomatique. Un modèle inspirant, où la paix n’est pas un idéal lointain, mais une réalité cultivée au quotidien.
ABED MEGHIT
