L’examen récent d’un projet de loi organique portant statut de la magistrature, au suivi de la localisation et de la réalisation de trois nouvelles stations de dessalement de l’eau de mer, prouve que la gouvernance de l’eau est aujourd’hui un souci majeur. De nombreux projets sont en cours notamment des barrages, des stations d’épuration (STEP), des stations de dessalement d’eau de mer, des forages, des réservoirs d’eau et des kilométrages impressionnants de pose de conduite pour non seulement alimenter les populations en eau potable, mais aussi, pour irriguer des centaines de milliers d’hectares.
Devant la montée des besoins en eau (AEP, industrie, tourisme, périmètres irrigués…), les décideurs sont appelés à mener une politique active, en lançant de nouveaux investissements structurants (retenues, exploitation des nappes profondes, recharges des aquifères, réutilisations des eaux usées épurées, dessalement, grands transferts…), et en mettant en œuvre une politique nationale de l’eau à travers des législations et des outils de gestion performants. Face à ce défi, la maîtrise et la préservation des ressources en eau constituent un enjeu majeur auquel des politiques urgentes s’imposent d’avantage.
L’eau est une ressource rare, fragile et inégalement répartie à travers tout le pays. La demande en eau est en continuelle augmentation. Des pénuries d’eau conjoncturelles ou structurelles sont constatées. En plus des tensions liées à la gestion de la ressource, s’ajoutent les dégradations de l’écosystème et de la biodiversité causées par l’intervention anthropique amplifiées par les déficits hydriques. L’eau et l’environnement sont ainsi devenus une préoccupation prioritaire de développement durable.
Les instructions du Président de la République Abdelmadjid Teboune visent la mobilisation, l’amélioration de la distribution, l’utilisation de la ressource hydrique, la protection et la préservation de l’environnement. S’ajoute la question de l’introduction des technologies de dessalement de l’eau de mer qui constitue une piste d’avenir très intéressante capable de réduire significativement la dépendance des besoins en eau, accentuée au fil du temps par le dérèglement climatique qui s’installe dans la durée.
Ceci explique que le gouvernement s’attèle à couvrir les besoins en eau en veillant à la sécurisation sur les plans qualité et quantité dans l’objectif d’améliorer l’hygiène et la santé des populations, à développer l’irrigation et l’assainissement des terres pour soutenir la politique de sécurité agro-alimentaire, et à assurer la protection des écosystèmes aquatiques et des ressources en eau mobilisées et mobilisables en se basant sur des outils scientifiques et techniques.
Le futur s’annonce difficile avec une population en perpétuelle croissance qui se situerait aux alentours de 60 millions d’habitants en 2050 et une industrie qui se développe plus rapidement (que les années quatre-vingt-dix). La demande en eau augmentera durant les 30 années à venir pour subvenir aux besoins de la population, de l’industrie et surtout de l’agriculture intensive pratiquée à grande échelle dans le sud Algérien.
De l’avis de l’expert en agronomie et hydrologie , Kader Ali , ancien cadre du ministère de l’agriculture et Ex DSA, « Le stress hydrique affecte sereinement tout. Que ce soit l’alimentation potable des populations, la faune ou la flore, tout y passe. Aucun écosystème ne peut résister indéfiniment à un stress qui se prolonge dans le temps, il s’en trouvera bouleversé dans ses fondements et composantes. » Selon lui, « Force est de constater qu’à travers les bouleversements climatiques facilement constatables, en se penchant sur les données disponibles, nul n’est à l’abri d’un stress qui n’est par définition que l’aspect brutal d’une action qui s’interrompe. Ceci n’est pas fortement préjudiciable dès lors que cette interruption prenne fin aussi rapidement qu’elle n’est survenue. »
Notre interlocuteur rappelle, malheureusement, on se dirige non pas vers un stress limité dans le temps, mais à une sècheresse permanente, du moins à l’état endémique dans certaines régions du pays, notamment les écosystèmes déjà érodés, voire complètement corrompus comme les hauts plateaux et la steppe. « Justement, c’est dans ces territoires où l’on constate les nappes phréatiques les plus exsangues, et où l’on compte le moins de sites pouvant contenir des barrages, donc ne pouvant participer à l’éclosion d’une agriculture moderne ou industrielle, à moins d’une nouvelle stratégie inclusive qui dotera ces aires de volumes d’eau conséquents en rapport avec les richesses agro-pédologiques qu’elles renferment. » a-t-il estimé enchaînant que « Le manque de précipitations déteint sur tout ce qui est vivant. Les nappes phréatiques se rechargent par le biais des pluies, les barrages aussi immenses et nombreux soient-ils, dépendants des averses aussi soutenues que fréquentes qui s’abattent sur leurs bassins versants.
Répondant à une question relative sur quelle politique pour une eau pour tous face aux besoins hydriques qui vont augmenter d’ici 2050 en Algérie, Kader Ali a souligné que « Les besoins en eau iront en augmentant. Chez nous et ailleurs. On n’est plus dans l’Algérie des trois à quatre décennies post indépendance où dans l’hyper centre de la capitale, les robinets coulaient parcimonieusement. Que dire alors des villes, villages de l’intérieur du pays et des zones rurales ! Les temps ont changé, le pays aussi. Des investissements colossaux sont consentis dès lors que l’eau, cet or bleu, est consacrée denrée vitale, stratégique, dont la souveraineté hydrique est considérée comme objectif ultime à atteindre et à consolider, car devant asseoir la stabilité sociale et faire accéder toutes les populations sans distinction de genres ni d’origines à la modernité. Que l’on ne fasse pas fine bouche des infrastructures hydrauliques réalisées entre autres les barrages, les transferts, les forages, les sources, les puits, les unités de dessalement, les réseaux et tutti quanti. Malgré quelques imperfections, l’Algérie, un pays continent s’il en est, dont le territoire est à 95% aride, peut se targuer d’offrir à tout un chacun une dotation en eau des plus enviables. Certes, quelques disparités existent, mais le fait avéré est là : la dotation moyenne annuelle par habitant tourne autour de 200 litres jour.2050 c’est déjà demain. Le pays se prépare activement ; il investit dans de nouvelles infrastructures et se dote des moyens conséquents pour que l’équilibre ne soit pas rompu. »
En effet l’’expert Kader Ali s’est attardé sur une réelle politique de l’eau pour tous. selon lui, on y est depuis fort longtemps ! Surtout pour les besoins domestiques des populations. Quant à la mobilisation de toutes les ressources hydriques, qu’elles soient conventionnelles ou non, de surface ou souterraines, destinées à pourvoir les trois grands secteurs consuméristes (agriculture, industrie et tourisme) on ne pourra plus y couper. « Elle est déjà la panacée des pouvoirs publics ! On n’y va pas totalement à fond, mais l’idée y est, surtout pour les eaux usées des villes qui, au lieu d’être une aubaine, une nouvelle richesse, un levier pour l’irrigation de certaines cultures, celles-ci polluent l’environnement. Les eaux d’irrigation sont malheureusement à bien des égards, mal utilisées par les opérateurs économiques, principalement les agriculteurs, qui, malgré les aides substantielles de l’État, continuent à irriguer anarchiquement leurs champs. Lorsque l’on comprendra combien a coûté le mètre cube d’eau fossile ayant sommeillé pendant un million d’années, tiré des entrailles du Sahara, ou le mètre cube d’eau capturé dans un barrage puis, redéployé sur de grandes distances, alors, là, on saura la valeur de cette richesse. Tout comme l’eau destinée au ménage, oui pour l’eau pour tous. Mais pas dilapidée. Et aussi, pas au détriment des normes économiques usuelles où paradoxalement, dans un pays presque totalement aride, l’État investit par milliards de dollars, mobilise à tour de bras d’énormes quantités d’eau alors que l’on se désintéresse pour son devenir. Oui : l’eau pour tous, mais aussi un prix pour tous ! » fera observé Kader Ali
S’agissant des techniques du dessalement d’eau de mer, Kader Ali a rappelé que « Cette manne (le dessalement) n’est possible que parce que le pays peut se le permettre. Fort heureusement d’ailleurs, car ce procédé est en train de pallier au manque criard d’eau dû à la rareté des pluies et des neiges. Peut-être bien qu’il serait temps de généraliser ce procédé, couplé à une politique hardie des énergies renouvelables, principalement le solaire, à d’autres utilisateurs comme l’agriculture intensive à l’ouest, dans les hauts plateaux et la steppe. Notre pays recèle un gisement incommensurable en énergies renouvelables. Quitte à me répéter, car j’ai déjà exposé cette idée dans maints articles et dans mon livre Agriculture algérienne : entre progrès et regrets. »
Abordant les techniques de dessalement notre interlocuteur a fait savoir que « Plusieurs pays font face à la pénurie d’eau en ayant recours à ce procédé qui vient en appoint aux ressources conventionnelles déjà existantes(pluies, nappes souterraines).Notre pays est déjà assez avancé en la matière puisqu’il dispose déjà de plusieurs stations de dessalement qui fonctionnent le plus normalement du monde et produisent 2,6 millions de m3 par jour pour 6 millions d’habitants. Le taux de couverture du pays en eau potable à base du dessalement bondira de 18% à 42%. A celles-ci (les unités) vont s’ajouter cinq autres stations devant produire 300 000 m3 par jour (discours récent du président de la république devant les walis). Dix nouvelles unités sont prévues à l’horizon 2030. Ces unités devront aussi alimenter les villes et villages de l’intérieur sur une profondeur de 150 kilomètres. Ce qui va permettre une dynamique plus soutenue des localités alimentées. »
Kader Ali a rappelé aussi que la nappe albienne est de prime abord inestimable, voire inépuisable même. C’est à voir ! Puisqu’elle est fossile, qu’elle ne se renouvelle pas (ou très faiblement) par l’apport des précipitations qui s’abattent dans le Sahara ou les contreforts de l’atlas saharien, son utilisation est sujette à contrôle quand bien même elle serait la plus grande nappe souterraine au monde. Les spécialistes évaluent son volume à 50 000 milliards de m3(d’autres l’évaluent à un peu moins)enfouis dans le sous-sol de trois pays : l’Algérie, la Tunisie et la Libye. 70% de ce volume se trouverait chez, soit 36 000 milliards de m3. Il est vrai, en découvrant ces chiffres, ça donne le tournis. Des milliards et des milliards ! Cela frappe les esprits. Détrompons-nous ! Tout n’est pas mobilisable. Pour pouvoir préserver les équilibres géologiques, garder un aquifère sain, les spécialistes estiment que seuls 5 à 6 milliards de m3 (d’autres avancent 10) peuvent être extraits annuellement de cette manne céleste de notre Sahara Septentrional. Il est facile de s’en rendre compte de la fragilité de cet aquifère fossile : les débits ont diminué depuis et les rabattements sont constatés à travers la majorité des forages qui ont perdu leur caractère artésien. Quoique sur ces questions pointues, il est plus préférable de laisser les grands spécialistes de cette nappe s’exprimer.
M.M

 
			 
			 
		 
		 
		