Tissemsilt, perle cachée de l’Ouarsenis : Entre mémoire millénaire, héritage spirituel et paysages enchanteurs

dknews
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Située au cœur de l’Algérie, dans la région montagneuse de l’Ouarsenis et bordée par les vastes plateaux fertiles du Sersou, la wilaya de Tissemsilt se dévoile comme un véritable joyau patrimonial et naturel. Encore méconnue du grand public, elle incarne pourtant une richesse exceptionnelle où s’entrelacent l’histoire, la culture et la nature. Gravures rupestres millénaires, vestiges romains, alliances tribales, spiritualité, paysages verdoyants et mémoire de résistance : tout concourt à faire de Tissemsilt un musée à ciel ouvert et une destination incontournable pour ceux qui cherchent à découvrir une Algérie authentique.

Les gravures rupestres : la mémoire gravée dans la pierre

À proximité de la ville de Tissemsilt, les sites archéologiques d’Aïn S’fa et d’Aïn Tokria, dans la commune de Khemisti, révèlent des trésors uniques. Datant du IIᵉ siècle après J.-C., ces gravures rupestres et inscriptions en ocre rouge, en tifinagh et en libyco-berbère témoignent de l’ingéniosité des civilisations anciennes et de leur lien profond avec la nature. Le géographe grec Ptolémée mentionnait déjà ces montagnes qu’il désignait sous le nom probable de Zalacom, signe de l’importance stratégique et culturelle de la région. Le site d’Aïn Tokria, qui fut un camp militaire romain, recèle encore des nécropoles, des habitats et des fortifications. Chaque fouille archéologique y apporte des révélations inédites sur les échanges commerciaux et les mouvements de populations qui ont façonné l’histoire locale.

Un carrefour de tribus et de cultures

Tissemsilt est également un territoire marqué par une mosaïque humaine exceptionnelle. Le grand historien Ibn Khaldoun, dans ses chroniques du XIVᵉ siècle, relate la présence des Béni Teghrine, issus des tribus zenata, établis dans l’Ouarsenis dès le Xe siècle. Au XIIᵉ siècle, l’installation des Zoghba, venus de Tripoli et de Gabès, ainsi que des Béni Badin, a renforcé la diversité culturelle de la région. D’autres tribus, comme les Louata, les Béni Slama, les Touadjnia, les Hachem ou encore les Mzangouche, ont contribué à enrichir l’identité de ce territoire. Le prospecteur anglais Dr Shaw, au XVIIIᵉ siècle, confirmait la présence des Béni Meida, Ouled Ayad et des Ouled Bessem dans les environs immédiats de Tissemsilt. Cette pluralité a favorisé l’émergence d’une vie intellectuelle et spirituelle foisonnante, notamment sous la dynastie des Abdelouadides. De grandes figures ont marqué cette période, telles que Cheikh Attia Ibn Dafliten, Lukman Ibn Moetez, Abdelkaoui Ibn Abbas ou encore El Bachir El Ouancharissi, jurisconsulte éminent du Maghreb, auteur de plus de douze ouvrages en droit islamique. Ces érudits, cités par Ibn Khaldoun dans sa Mouqaddima, ont fait de Tissemsilt un foyer de savoir et de spiritualité, où se mêlaient dialogue tribal, alliances politiques et diffusion du savoir religieux et juridique.

Un sanctuaire naturel d’exception

Au-delà de son héritage historique, Tissemsilt émerveille par la beauté de ses paysages. Le parc national El Meddad, qui s’étend sur plus de 3 400 hectares, est classé patrimoine mondial. Il abrite des forêts de cèdres millénaires, de chênes verts et de lièges, ainsi qu’une faune et une flore d’une rare diversité. Ses sources d’eau pure et ses reliefs escarpés en font un haut lieu de biodiversité et d’écotourisme. Le parc d’Aïn Antar, sur 500 hectares, associe une forêt dense à une source thermale réputée. Au pied du pic Sidi Amar (1 983 mètres), il attire les randonneurs et les visiteurs en quête de bien-être. La station thermale de Sidi Slimane, en activité depuis 1910, reste l’un des joyaux de la région. Ses eaux chaudes à  42°C, reconnues pour leurs vertus thérapeutiques contre les affections dermatologiques, articulaires et digestives, continuent de séduire curistes et touristes. Le barrage Bougara, à la frontière avec Tiaret, constitue un sanctuaire pour les oiseaux migrateurs et un lieu de prédilection pour la pêche et l’observation de la nature.

Mémoire et résistance : du monde romain à l’Émir Abdelkader

Tissemsilt fut également une terre de résistance et de luttes héroïques. Après avoir abrité des fortifications romaines stratégiques, elle est marquée, au XIXᵉ siècle, par le combat de l’Émir Abdelkader. C’est ici, en 1838, qu’il tint son dernier conseil de guerre, dans la citadelle de Taza, avant de poursuivre la lutte acharnée contre l’armée coloniale française. Aujourd’hui, plus de cinquante sites historiques jalonnent la wilaya : les ruines de Ouled Kouider, le fort de Toukal construit par les émirs Béni Touadjine, ou encore le site archéologique de Kef Louz, découvert en 2003 et considéré comme l’un des plus anciens témoignages du peuplement de la région.

Un avenir tourné vers le tourisme et la valorisation patrimoniale

La richesse culturelle et naturelle de Tissemsilt ouvre des perspectives prometteuses pour l’avenir. La valorisation de ses sites archéologiques, la mise en valeur de ses stations thermales et de ses parcs naturels, ainsi que le développement de l’écotourisme, constituent des leviers essentiels pour attirer davantage de visiteurs. De nombreux projets locaux visent déjà à promouvoir le tourisme durable, à encourager la recherche scientifique sur les sites archéologiques et à préserver la biodiversité unique de l’Ouarsenis. En parallèle, la wilaya s’affirme comme un espace où mémoire, culture et développement économique peuvent coexister. L’investissement dans les infrastructures d’accueil, les circuits touristiques et les centres de recherche pourrait faire de Tissemsilt une destination nationale et internationale incontournable.

Tissemsilt, un livre d’histoire grandeur nature

Plus qu’une simple wilaya montagneuse, Tissemsilt est un espace vivant où le passé rencontre le présent. Ses gravures millénaires, ses alliances tribales, ses paysages majestueux et ses hauts lieux de résistance composent un patrimoine unique, qui séduit autant les historiens que les amoureux de la nature. Pour tous ceux qui cherchent à s’éloigner des sentiers battus et à découvrir une Algérie profonde, Tissemsilt incarne un voyage inoubliable au cœur de l’âme nationale. À la croisée de l’histoire, de la culture et de la nature, Tissemsilt n’est pas seulement une région : c’est une mémoire vivante, une terre d’avenir et une fierté algérienne.

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