Ahmed Fettani retrace le parcours d’un ami, d’un patriote
et d’un maitre du journalisme
‘’Les grands hommes ne meurent pas vraiment’’
‘’Une plume éteinte, mais une encre immortelle’’
Il est des rencontres qui forgent des amitiés indestructibles et laissent, au fil des ans, une empreinte indélébile sur le parcours d’un homme.
Celle qui lia Fettani Ahmed, aujourd’hui directeur général du quotidien L’Expression, à Si Abdelmadjid Cherbal ,affectueusement surnommé “Antar”, appartient à cette catégorie rare. Pendant plusieurs décennies, les deux hommes ont partagé les mêmes salles de rédaction, les mêmes idéaux et les mêmes combats, portés par une passion commune : un journalisme digne, rigoureux et au service de la vérité.
Trois ans après la disparition de son compagnon de route, Fettani Ahmed signe un hommage empreint d’émotion, de respect et de gratitude à celui qu’il décrit comme « un patriote de plume et de cœur, un homme dont la noblesse d’âme rivalisait avec la rigueur professionnelle ».
Mai 1969 : L’année des destins croisés
Tout commence en mai 1969. El Moudjahid, fleuron de la presse nationale, lance un grand concours pour recruter de jeunes journalistes. Des centaines de candidats affluent de toutes les régions du pays, nourris du rêve d’intégrer la rédaction la plus prestigieuse d’Algérie. Après une sélection impitoyable, une dizaine de stagiaires seulement sont retenus pour une formation de deux ans. Parmi eux, Fettani Ahmed et Abdelmadjid Cherbal.
« Nous avons commencé ensemble, deux jeunes stagiaires pleins d’espoir et d’envie. Très vite, “Antar” s’est imposé par son intelligence, sa curiosité et sa plume précise », se souvient Fettani Ahmed. Ce fut le début d’une amitié profonde et d’un compagnonnage professionnel qui allait durer toute une vie.
Les débuts d’un journaliste d’exception
Affecté dès ses premiers pas à la rubrique politique nationale, “Antar” aborde d’emblée les sujets les plus stratégiques. Ses analyses sont claires, fouillées, et toujours orientées vers l’intérêt du lecteur. Il se distingue par une capacité rare : rendre compréhensibles les dossiers les plus complexes. Sa progression est rapide.
Il devient responsable du desk, véritable cœur battant de la rédaction, où se prennent les décisions éditoriales majeures.
Pour Fettani Ahmed, cette ascension ne doit rien au hasard : « Antar voyait toujours plus loin que l’actualité immédiate. Il possédait cette intelligence de l’information qui permet de relier les faits à leur contexte et d’en anticiper les conséquences. »
Un directeur visionnaire
Fort de cette expérience, Si Abdelmadjid Cherbal dit Antar est nommé Directeur général d’El Moudjahid. Il y maintient les valeurs fondatrices du journal tout en l’ouvrant à de nouvelles perspectives éditoriales. Plus tard, il prend la tête du quotidien DK News, qu’il propulse rapidement parmi les titres les plus lus du pays.
Sous sa direction, les journaux qu’il a menés brillent par la création de rubriques devenues emblématiques : « Alger 24 heures » dans El Moudjahid, et « Clin d’œil » dans DK News, fresque vivante de la société algérienne. Ces initiatives témoignent d’une capacité unique à comprendre son lectorat et à bâtir un lien durable entre le journal et ses lecteurs.
Un patriote discret mais intransigeant
Pour Fettani Ahmed, “Antar” n’était pas seulement un journaliste de haut niveau, mais avant tout un patriote convaincu. « Il a toujours préféré l’odeur de l’encre , mais il a toujours décliné. Son seul palais, c’était la rédaction ; sa seule cour, celle des lecteurs. » Son nationalisme, loin des effets de manche, se vivait dans le quotidien : défendre l’Algérie par une information juste, honnête et responsable.
Un mentor pour les nouvelles générations
“Antar” formait les jeunes journalistes avec patience et bienveillance. Il corrigeait sans humilier, encourageait sans flatter, exigeait sans écraser. Son bureau était un lieu de passage obligé pour quiconque cherchait un conseil ou une orientation.
« Il était un repère, une boussole dans les tempêtes médiatiques. Il ne changeait pas avec les saisons politiques. Sa ligne était droite, et il la tenait avec constance », confie Fettani Ahmed.
L’héritage d’un bâtisseur
Quatre décennies d’engagement sans relâche ont fait de “Antar” une figure incontournable de la presse nationale. Sa rigueur, son humilité et sa vision stratégique resteront des références pour les générations futures.
Fettani Ahmed conclut son hommage sur ces mots :
« Les grands hommes ne meurent pas vraiment. Tant que leurs idées vivent et que leur œuvre inspire, ils demeurent. Cherbal Abdelmadjid ( Antar) fut de ceux-là : un artisan du verbe, un serviteur de la République, un ami dont la loyauté n’a jamais failli. »
Une plume éteinte, mais une encre immortelle
La disparition de Si Abdelmadjid Cherbal, dit “Antar”, a laissé un vide immense dans la famille médiatique algérienne. Mais ses valeurs, son style et son exigence continuent de guider ceux qui l’ont connu ou lu. Son souvenir, ravivé par ce témoignage, n’est pas seulement celui d’un journaliste hors pair, mais celui d’un homme d’honneur, d’un patriote discret et d’un bâtisseur silencieux de l’histoire contemporaine algérienne. Une plume s’est tue, mais l’encre de ses valeurs, elle, continue d’écrire.