C’est une voix forte, lucide et déterminée qui s’est exprimée ce mercredi depuis la tribune prestigieuse de la Sixième Conférence mondiale des Présidents de Parlements, tenue au siège de l’Office des Nations Unies à Genève.
À travers une allocution lue en son nom par M. Rabah Beghali, Vice-président du Conseil de la Nation, le président de la deuxième chambre du Parlement algérien, M. Azouz Nasri, a livré un discours sans concession sur l’état du monde, appelant à une refonte immédiate du système international, gangréné, selon lui, par l’hégémonie, l’injustice et le silence complice face au colonialisme.
Un ordre mondial en crise
Dès les premiers mots, le ton est donné : le monde traverse une crise profonde, marquée par « des mutations brutales, une dérive du droit international et un effondrement des valeurs universelles ».
Pour M. Nasri, la multiplication des conflits, la montée des tensions géopolitiques et l’impuissance des institutions multilatérales ne sont pas des fatalités, mais le résultat direct d’un système international « biaisé, partial et largement discrédité ».
Pointant du doigt une « légitimité internationale en recul au profit de la force », le président du Conseil de la Nation a dépeint un désordre mondial entretenu par une minorité de puissances qui manipulent les peuples, violent les souverainetés et perpétuent des injustices structurelles à l’échelle globale.
Gaza, un symbole sanglant du colonialisme contemporain
Au cœur de cette dénonciation, la Palestine. M. Nasri a consacré une large partie de son discours à la tragédie en cours à Gaza, qualifiant de « génocide » les exactions de l’armée d’occupation israélienne.
Il y voit l’expression la plus brutale d’un colonialisme moderne, toléré — voire encouragé — par une communauté internationale indifférente, paralysée ou complaisante.
Il s’est indigné de l’impuissance des Nations Unies, et particulièrement du Conseil de sécurité, à protéger les populations civiles, déplorant des « mécanismes désuets, sélectifs et inopérants » face aux crimes commis.
L’Algérie, une voix de justice au sein du Conseil de sécurité
Rappelant le rôle actif de l’Algérie en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, M. Nasri a souligné les efforts diplomatiques du pays sous la conduite du président Abdelmadjid Tebboune.
L’Algérie, a-t-il affirmé, ne cesse de défendre une vision équilibrée et éthique des relations internationales, fondée sur la justice, la souveraineté des peuples et le respect du droit.
« La réforme de l’ONU n’est plus une option. C’est une exigence historique », a martelé M. Nasri, soulignant que l’expérience algérienne au sein du Conseil a mis à nu les dysfonctionnements profonds du système onusien, notamment son incapacité à représenter équitablement les peuples du Sud, et plus particulièrement ceux du continent africain.
Réhabiliter le multilatéralisme, renforcer le non-alignement
Le président du Conseil de la Nation n’a pas seulement dressé un constat accablant. Il a également esquissé une voie de sortie, appelant à « revitaliser le multilatéralisme » et à réhabiliter les principes du mouvement des Non-alignés, dont les fondements éthiques rejoignent, selon lui, la mission des parlements : servir la justice, le dialogue et la paix.
Il a exhorté les parlementaires du monde entier à s’ériger en contre-pouvoirs face aux dérives des puissances dominantes. L’heure est venue, selon lui, de restaurer l’équilibre, de construire une gouvernance mondiale plus juste et de mettre fin à la logique d’ingérence, d’exploitation et de profit sur fond de guerre.
Un appel à des mécanismes de sanction et à la fin de l’impunité
« Le monde ne retrouvera pas la paix sans une position claire et ferme contre le colonialisme et ses dérivés modernes », a-t-il insisté.
Cela implique non seulement des discours, mais des actes : des mécanismes concrets de dissuasion, des sanctions contre les États agresseurs, une lutte sérieuse contre le terrorisme et l’extrémisme, et surtout la fin des ingérences dans les affaires intérieures des États souverains.
M. Nasri a fustigé l’attitude de certaines puissances néocoloniales qui, selon lui, « alimentent les conflits régionaux dont elles tirent profit au détriment des peuples ». Il a dénoncé une forme d’hypocrisie systémique au sein des institutions internationales, où les principes de souveraineté, de paix et de droit sont appliqués à géométrie variable.
Un hommage à l’Union interparlementaire, mais une critique sévère
Enfin, tout en saluant les efforts déployés par l’Union interparlementaire, M. Nasri a regretté son incapacité à s’unir autour de valeurs fondamentales : la condamnation de l’occupation, la reconnaissance du droit à la résistance et la distinction nette entre l’agresseur et la victime.
Une délégation algérienne engagée
La délégation algérienne à cette conférence est composée de M. Rabah Beghali, représentant officiel du président du Conseil de la Nation, ainsi que de MM. Amri Dehane et Ammar Dahchar, membres du Conseil. Une participation marquée par la volonté d’inscrire l’Algérie dans le concert des nations responsables et résolument engagées pour la paix.
Une interpellation ferme et urgente
Par ce discours fort, l’Algérie s’impose une nouvelle fois comme une voix porteuse d’équilibre et de justice sur la scène internationale. À Genève, elle a lancé un cri d’alarme – mais aussi d’espoir – aux parlementaires du monde, les appelant à rompre avec l’inertie et à bâtir, ensemble, un nouvel ordre mondial, plus humain, plus juste, plus durable.