L’Afrique resserre les rangs au 6e Sommet du C10 : Selma Bakhta Mansouri plaide pour une réforme « juste et équitable »du Conseil de sécurité

dknews
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Sous la présidence du Sierra-Léonais Julius Maada Bio, le Comité des Dix (C10) de l’Union africaine a arrêté un modèle commun de réforme du Conseil de sécurité.

L’Algerie, représentée par la secrétaire d’État chargée des Affaires africaines, Selma Bakhta Mansouri, a réaffirmé la ligne rouge du continent : pas de réforme sans sièges permanents africains, avec tous les attributs y afférents, conformément au Consensus d’Ezulwini et à la Déclaration de Syrte.
Réuni en visioconférence pour sa 6ᵉ session, le C10 : l’organe mandaté par l’Union africaine pour porter la voix du continent dans les négociations intergouvernementales à l’ONU sur la réforme du Conseil de sécurité, a franchi une étape décisive : l’adoption d’un modèle de réforme reflétant la position africaine unifiée, appelé à être présenté au président de l’Assemblée générale des Nations unies.

L’objectif : peser, avec une cohérence accrue, dans un dossier enlisé depuis des décennies.
Au nom du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, Mme Selma Bakhta Mansouri a délivré un message clair : l’Algérie demeure pleinement engagée à défendre le droit légitime de l’Afrique à une représentation équitable et permanente au sein de l’organe exécutif des Nations unies.
Une position qui s’enracine dans deux textes fondateurs de la doctrine africaine en la matière : le Consensus d’Ezulwini (2005) et la Déclaration de Syrte (2005), lesquels réclament au moins deux sièges permanents dotés du droit de veto et cinq sièges non permanents pour le continent. Dans son allocution, Mme Mansouri a insisté sur la double urgence : unifier les rangs africains et intensifier les efforts pour une réforme « globale » à même de rétablir l’équilibre de l’ordre international sur la base de la justice et de l’équité.

Le message algérien s’aligne ainsi sur une conviction largement partagée au sein de l’UA : l’architecture actuelle du Conseil de sécurité, héritée de l’après Seconde Guerre mondiale, ne reflète plus les réalités démographiques, économiques et géopolitiques du XXIᵉ siècle.
Avec 54 États membres, un poids démographique de plus d’1,3 milliard d’habitants et une présence croissante dans les dossiers de paix et de sécurité, l’Afrique demeure pourtant le seul grand bloc régional privé de siège permanent au Conseil.
Une anomalie, rappellent inlassablement les capitales africaines, d’autant plus paradoxale que la majorité des questions inscrites à l’agenda du Conseil concernent directement le continent.
Au delà des principes, c’est une méthode qu’a défendue la représentante algérienne : parler d’une seule voix, verrouiller les paramètres communs de la revendication et transférer ce bloc d’exigences dans l’arène onusienne où s’éternisent les négociations intergouvernementales informelles sur la réforme.

L’idée est simple : réduire les marges de manœuvre laissées aux partisans d’une réforme « à la carte », qui morcellerait les ambitions africaines en offres intermédiaires, graduelles ou conditionnelles.
Le modèle de réforme adopté par le Sommet dont les contours précis n’ont pas été détaillés publiquement viserait précisément à consolider le socle africain autour d’exigences non négociables, tout en définissant un cadre tactique pour engager le dialogue avec les autres groupes régionaux et les membres permanents (P5), eux mêmes divisés sur la nature et l’ampleur du futur élargissement.

L’Algérie, une diplomatie de constance
Membre actif des mécanismes de l’UA consacrés aux grandes réformes de la gouvernance mondiale, l’Algérie s’inscrit dans une diplomatie de continuité : soutien à la représentation africaine pleine et entière, défense du multilatéralisme et promotion d’un ordre international plus inclusif.
À l’heure où les fractures géopolitiques se creusent et où la crédibilité des institutions internationales est questionnée, Alger estime que la légitimité du Conseil de sécurité passe par l’inclusion de l’Afrique à tous les niveaux de décision.
Cette position s’articule également avec l’action de l’Algérie au sein des fora multilatéraux sur les questions de paix, de sécurité, de développement et de gouvernance.
Elle réaffirme, à travers la voix de Mme Mansouri, que le rééquilibrage du Conseil n’est pas un « bonus » accordé au continent, mais une condition sine qua non pour restaurer la confiance entre le Sud global et les institutions internationales.

Le débat sur la réforme du Conseil de sécurité n’oppose pas seulement l’Afrique aux cinq membres permanents : il se joue aussi entre modèles concurrents d’élargissement (augmentation des sièges permanents, création de catégories hybrides, extension des sièges non permanents avec mandats renouvelables, etc.) et entre groupes régionaux aux revendications divergentes (G4, L.69, Uniting for Consensus, pays arabes, etc.).
Dans ce paysage fragmenté, l’unité africaine constitue le principal levier de puissance.
Le Sommet du C10 apparaît ainsi comme un jalon tactique : en consolidant l’approche commune, il dessine une trajectoire plus lisible pour les prochaines sessions de l’Assemblée générale et les cycles de négociation qui détermineront, peut être, la première réforme substantielle du Conseil depuis 1965. Les prochaines étapes s’annoncent cruciales : Transmission formelle du modèle africain au président de l’Assemblée générale de l’ONU, afin qu’il soit intégré aux discussions intergouvernementales.
Intensification du plaidoyer diplomatique auprès des membres permanents et des autres groupes régionaux, pour arrimer la demande africaine à une coalition élargie favorable à un élargissement ambitieux.

Maintien de l’unité africaine, condition sine qua non pour éviter la dilution des revendications dans des compromis minimalistes.
Le Comité des Dix est le groupe mandaté par l’Union africaine pour porter, affiner et défendre la position commune africaine sur la réforme du Conseil de sécurité.
Il est chargé de négocier, sensibiliser et coordonner la stratégie du continent au sein des enceintes multilatérales.

Consensus d’Ezulwini & Déclaration de Syrte
Adoptés en 2005, ces deux textes constituent la doctrine officielle de l’Afrique : au moins deux sièges permanents avec droit de veto et cinq sièges non permanents pour le continent au Conseil de sécurité.
Ils affirment que le droit de veto, tant qu’il existe, doit être étendu aux nouveaux membres permanents, tout en contestant son principe. Si le chemin vers une réforme du Conseil de sécurité demeure escarpé, l’Afrique affûte ses instruments de négociation et resserre ses positions.
En reprenant avec force les fondamentaux du Consensus d’Ezulwini et de la Déclaration de Syrte, la représentation algérienne a rappelé que le moment n’est plus aux ambiguïtés : le XXIᵉ siècle exige un Conseil de sécurité représentatif, équitable et légitime.
Et l’Afrique entend y prendre toute sa place.

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