À l’occasion du 80e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 en Algérie, plusieurs organisations françaises ont organisé un rassemblement, jeudi après-midi, sur la place Kléber à Strasbourg. Leur objectif : commémorer ces événements tragiques et exiger de l’État français une reconnaissance officielle de sa responsabilité dans ces violences coloniales, qui ont coûté la vie à au moins 45 000 Algériens, selon des estimations. Plus de 120 personnes ont répondu à l’appel de diverses associations, parmi lesquelles la Libre Pensée du Bas-Rhin, le MRAP de Strasbourg, l’ATMF, Solidarité pour la Kanaky-Alsace, ainsi que des formations politiques telles que La France insoumise du Bas-Rhin, les écologistes locaux et le Parti ouvrier indépendant. Ensemble, elles ont rendu hommage aux victimes des massacres de Sétif, Guelma, Kherrata et leurs environs, survenus en marge des célébrations de la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945. Cette mobilisation locale s’inscrit dans une dynamique plus large.
Lundi dernier, plus de 70 députés, principalement issus du Nouveau Front populaire et de La France insoumise, ont déposé à l’Assemblée nationale une proposition de résolution. Le texte appelle à reconnaître ces événements comme un « crime d’État » dirigé contre une population civile sans défense, en violation des principes fondamentaux des droits humains. Il propose aussi leur inscription dans les programmes scolaires, l’ouverture complète des archives et la création d’une journée nationale de commémoration. Des historiens engagés, tels qu’Olivier Le Cour Grandmaison et Nils Andersson, soutiennent cette initiative. Pour eux, la répression brutale de 1945 est encore trop largement ignorée dans la mémoire collective française. Ils soulignent le retard de la France en matière de reconnaissance des crimes coloniaux, comparativement à d’autres anciennes puissances coloniales comme le Royaume-Uni, l’Allemagne ou encore le Canada. « Une reconnaissance par les plus hautes autorités de l’État serait un geste fort pour apaiser les mémoires et renforcer les relations franco-algériennes », affirme Olivier Le Cour Grandmaison.
De son côté, Nils Andersson déplore les discours identitaires qui minent le débat : « Les responsables politiques devraient faire preuve de courage historique, plutôt que de céder aux clivages. »Même l’Institut national de l’audiovisuel (INA) a récemment remis en lumière cette page sombre de l’histoire, qualifiant les massacres de « massacre oublié ». L’INA rappelle que les premières images de la répression n’ont été diffusées qu’en 2005, les autorités de l’époque ayant tout fait pour en minimiser l’ampleur. En France comme à l’étranger, de nombreux médias ont couvert les commémorations de cette date clé de la mémoire coloniale, qui reste profondément liée à la genèse du mouvement indépendantiste algérien. Une reconnaissance officielle pourrait marquer une étape décisive dans le travail de mémoire engagé depuis plusieurs décennies.
ABED MEGHIT