Cinq jours après l’adoption par l’Assemblée française, le 12 mars 1956, de la loi portant sur les pouvoirs spéciaux octroyés à son armée d’occupation en Algérie, le village Ichardiouène, dans la localité de Tizi-Rached au Sud de Tizi-Ouzou, a été le théâtre d’un massacre de 13 personnes qui inaugurait l’atroce nouvelle politique de l’armée coloniale française. Ce jour-là, le 17 mars 1956, dès l’aube, les troupes françaises stationnées aux alentours commandés par le général Ollié, agissant sur une dénonciation de deux de leurs collaborateurs locaux, avaient encerclé toute la région à la recherche de maquisards de l’Armée de Libération Nationale (ALN) qui s’y seraient réfugiés. Ils ont passé au peigne fin et saccagé des maisons et arrêté pas moins de 200 personnes, dont les noms figuraient sur des listes de personnes activant en soutien à la Révolution pour l’indépendance de l’Algérie, dont 13 furent fusillées le soir même au lieu-dit Ikhribène, après avoir été atrocement torturées. Huit d’entre elles ont été fusillées sur place tandis que d’autres avaient été emmenées dans le camp militaire de Taboukirt, en contrebas de la localité, où elles ont été, elles aussi, torturées puis exécutées et leurs cadavres jetés dans la nature. « Plusieurs personnes furent emprisonnées ce jour-là, d’autres tuées et leurs cadavres entremêlés étaient jetés dans la nature et découverts plus tard dans une horreur indescriptible », a indiqué dans un témoignage à l’APS, Meziane Nedjar, fils de Mohamed dont le corps a été découvert parmi ces martyrs. Soixante-neuf (69) ans plus tard, il se souvient encore de la dernière fois qu’il avait vu son père vivant: « J’étais accroché à son burnous quand il a été emmené par les soldats français qui m’avaient écarté de lui et c’était la dernière fois que je le voyais », raconte-t-il. Une stèle commémorative aux noms des 13 martyrs est érigée à l’entrée du lycée de la localité, portant leur nom, en souvenir de cet assassinat collectif perpétré par l’armée d’occupation française sous le commandement du général Ollié. — 1956, un tournant dans la Guerre de libération nationale — L’année 1956 qui a été couronnée par l’organisation du Congrès de la Soummam le 20 août a été aussi marquée par l’adhésion massive et importante du peuple algérien, et le ralliement des autres mouvements politiques, autour du Front de libération nationale (FLN) et son engagement dans la guerre de libération nationale dans les rangs de l’ALN. L’ampleur des actions, organisationnelle, politique, diplomatique, médiatique et militaire, menées par le FLN et l’ALN, avait suscité les inquiétudes du gouvernement français qui avait décidé de renforcer sa présence en Algérie allant jusqu’à accorder l’indépendance au Maroc, le 2 mars 1956, et la Tunisie le 20 du même mois. La loi portant pouvoir spéciaux, soumise par Robert Lacoste tout juste nommé ministre résidant en Algérie, et adoptée par le Parlement français avec 455 voix pour et 76 contre, autorisait l’armée française à « mettre en œuvre en Algérie toutes les mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l’ordre, de la protection des personnes et des biens, et de la sauvegarde du territoire ». Des décrets portant action militaire renforcée et l’envoi de nouvelles troupes en Algérie, augmentant l’effectif de l’armée française stationné en permanence sur le sol algérien à 400.000 soldats en juillet de la même année, la création de zones de « pacification » et l’évacuation des zones interdites ainsi qu’un tas de mesures répressives, furent promulgués dans la foulée, en vertu de cette loi.