M. Mustapha Farouk-Ksentini, président de la CNCPPDH, le pr Boudjemaâ Souilah, membre du Conseil de la nation et expert juridique, et Me Merouane Azzi, avocat spécialiste des questions liées à la réconciliation nationale et à la lutte contre le terrorisme, invités ce samedi 26 septembre 2015 du forum de DK News
Un rapport final et global sur les activités de la Cellule d’assistance judiciaire pour l’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale sera remis, au courant de cette semaine, au président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a indiqué hier à Alger le président de cette instance.
«Il s’agit d’un rapport final et global sur les activités de la cellule depuis sa création (juin 2006- juin 2015). Il contient aussi un certain nombre de suggestions pour consolider les acquis de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale», a affirmé Me Azzi à l’occasion d’une conférence de presse, animée conjointement au Forum du quotidien nationale DK News avec le président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini.
Le rapport comprend plusieurs thèmes relatifs notamment au contenu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et son application sur le terrain, les activités de la cellule en ce qui concerne sa contribution dans l’application, ainsi que les démarches et les dispositions relatives à l’indemnisation des disparus et des familles de terroristes morts dans le cadre de la lutte antiterroriste, a expliqué Me Azzi.
Le troisième thème se rapporte aux activités de la cellule au niveau national et à l’étranger, notamment ses rencontres avec les ambassadeurs accrédités en Algérie, les organisations internationales et les experts étrangers, a-t-il ajouté.
Au titre des suggestions, le rapport de la cellule présentera des recommandations à la lumière des séances d’écoute menées à travers le territoire national depuis 2006. A cet effet, Me Azzi a fait savoir que ces suggestions concerneront, entre autres, la révision de l’indemnisation des victimes du terrorisme, le statut des enfants nés dans les maquis, l’indemnisation des personnes ayant subi des dégâts matériels et économiques durant la période de la tragédie nationale ainsi que ceux qui étaient détenus dans le sud du pays.
La cellule a également suggéré la mise en place d’une instance permanente ou d’un secrétariat d’Etat à même d’assurer le suivi des dossiers, d’une manière permanente, des victimes du terrorisme lesquelles ne seront plus dispersées entre les différents ministères et administrations pour bénéficier de leurs indemnisations.
Par ailleurs le président de la Cellule d’assistance judiciaire pour l’application de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale a refusé de focaliser sur le dossier des disparus «utilisé à des fins politiciennes par certaines parties en Algérie et à l’étranger, alors que ces mêmes parties avaient omis d’évoquer les dossiers des femmes violées et des enfants nés au maquis», a-t-il dit.
«Nous ne faisons pas de distinction entre les dossiers de la tragédie nationale que nous devons régler dans leur globalité», a-t-il ajouté, précisant en outre qu’il y a plus de 7.100 familles de disparus qui bénéficient d’indemnisation dans le cadre des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.
Me Azzi a relevé qu’à la faveur de l’adoption de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, «il n’y a jamais eu de vengeance ou de règlement de comptes», se félicitant aussi de «l’ancrage de la culture de la concorde, de la tolérance et du pardon».
A cet effet, il a fait savoir que les dispositions de la Charte ne sont «pas limitées» dans le temps et «restent d’actualité» dans la mesure où, a-t-il précisé, la main de la paix et de la réconciliation «reste toujours tendue». De son côté, le président de la CNCPPDH a abondé dans le même sens, soulignant que la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est «non seulement irréversible», mais toutes ses dispositions «doivent être appliquées».
«La Charte n’a marginalisé personne, ce qui explique l’adhésion de l’ensemble de la société algérienne à ce texte qui a consacré la paix et la concorde dans le pays», a souligné Me Ksentini. A une question sur une éventuelle amnistie générale, Me Ksentini a fait observer que les pays ayant précédé l’Algérie en matière d’instauration de la paix et de la réconciliation ont fini par aller vers une amnistie générale.
«Toutefois, il appartient au président de la République de décider de cette amnistie car le dernier mot lui revient», a-t-il dit. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale a été adoptée par voie référendaire le 29 septembre 2005, rappelle-t-on.
Un processus irréversible et une paix définitive
Comment arrêter un cycle de violence qui oppose le terrorisme à la légitime défense de l’Etat ? Quoi faire si ce n’est faire recours à la réconciliation qui garantit un avenir de paix à tous les Algériens qui sont condamnés demain à cohabiter car ils n’ont pas une autre patrie de rechange ?
La réconciliation nationale promulguée le 29 septembre 2005, sa mise en œuvre est destinée à renforcer le processus du retour à la paix. Un processus irréversible et une paix définitive. Une paix non armée, débarrassée de tout esprit de vengeance. Une sorte de solde de tous comptes. Ma tsayeli ma n’saylek. La réconciliation permet d’éroder dans les rangs des effectifs des terroristes et exprime la dimension humanitaire de la lutte contre le terrorisme. Pour nous en parler, pour en débattre avec sérénité, le Forum de DK NEWS a invité hier trois spécialistes qui ont en commun une expertise juridique.
M. Boudjemâa Souileh, M. Farouk Ksentini, et M. Azzi Merouane. Le premier est professeur de droit, membre du Conseil de la nation, le second président de la Commission nationale consultative de protection et de promotion des droits de l’homme, le troisième avocat spécialiste des questions liées à la réconciliation nationale et à la lutte contre le terrorisme.
Les trois conférenciers partagent en commun l’appui apporté à la réconciliation nationale. Ksentini affirme que la réconciliation a réussi à 95%. La démarche est réalisée sans ingérence aucune et les résultats obtenus rapidement. Boudjemâa va dans le même sens, à savoir qu’elle est une démarche algéro- algérienne ingérence aucune. Elle était née dans le contexte où le pays faisait face à un terrorisme d’une extrême violence où, dès le départ, s’élevaient des voix qui accusaient l’Etat de la pratique du « tout sécuritaire » ou du « tout politique ».
C’était également un contexte de massacres, de bombes qui explosent. Le HCE exprimait sa volonté de paix traduite par la loi sur la rahma avant la démarche de la concorde civile. A ceux qui disaient de clore la concorde civile car les délais étaient dépassés, l’Etat répondait qu’une concorde ne peut jamais fermer ses portes à des jeunes égarés qui se repentissent car ils étaient endoctrinés.
Et puis, il faut bien tenir compte que les Algériens, tous les Algériens, ont leur avenir dans le même pays qui est le leur à tous et qu’ils sont condamnés à vivre ensemble. Les ministères de la Justice et de l’Intérieur ont eu à se concerter pour gérer la question des délais fermes qui présentaient une voie étroite qui restreignait la marge de manœuvre. Pour Ksentini, il y avait urgence pour le traitement étant donné qu’à Sant’Egidio, c’était l’Etat qui s’offrait aux islamistes alors qu’avec la réconciliation nationale, ce sont les islamistes qui allaient vers l’Etat.
Pour Maître Azzi, qui rappelle les succès de la réconciliation, la loi portant sur la charte nationale pour la paix et la réconciliation demeure aujourd’hui insuffisante pour prendre en charge d’autres catégories de victimes de la tragédie nationale. Ces nouvelles catégories sont les victimes de la tragédie vers lesquelles devraient se tourner les regards.
Il y a parmi les victimes les enfants nés dans les maquis et d’autres encore que Maître Azzi a consignées dans son rapport au président de la République. Maître Azzi revient sur le nombre que de victimes de la tragédie en disant plus de quinze mille ont rejoint la réconciliation nationale.
DK News le 26-09-2015,
