ALGÉRIE : L’industrie pharmaceutique trace sa voie vers un leadership continental

dknews
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L’industrie pharmaceutique algérienne vit une phase d’essor remarquable qui redessine en profondeur le paysage national du médicament. Longtemps dépendante des importations et confrontée à des fragilités structurelles, elle s’impose aujourd’hui comme l’un des secteurs économiques les plus dynamiques du pays, soutenu par une stratégie publique claire, une montée en puissance des capacités locales et une vision résolument tournée vers l’Afrique. Les chiffres, les projets en cours et les perspectives laissent entrevoir un changement d’échelle qui pourrait placer l’Algérie au rang de pôle pharmaceutique régional incontournable. Le pays dispose désormais de 230 unités de production et de plus de 780 lignes opérationnelles, un capital technologique et industriel qui témoigne d’un véritable saut qualitatif. Cette dynamique est portée par une ressource humaine abondante et hautement qualifiée : les universités algériennes forment chaque année des milliers de biologistes, de chimistes, de pharmaciens et de professionnels capables d’intégrer les chaînes de valeur du médicament.

S’y ajoutent des cadres et investisseurs installés à l’étranger qui manifestent, de plus en plus, leur volonté de mettre leur expertise au service du développement national. Autant de paramètres qui confèrent à l’Algérie les arguments nécessaires pour aspirer à devenir un hub pharmaceutique crédible et compétitif. Selon l’Inspecteur général du ministère de l’Industrie pharmaceutique, Nacer Hammani, cette montée en puissance s’accompagne d’une série de réformes destinées à consolider les acquis et à corriger les lacunes constatées ces dernières années, notamment dans la régulation et la distribution du médicament. Intervenant sur les ondes de la Radio chaîne 1, il a annoncé que la réglementation encadrant la distribution sera bientôt révisée, après cinq années d’évaluation approfondie qui ont permis d’aboutir à un nouveau cahier des charges aujourd’hui finalisé et déposé au Secrétariat général du gouvernement. Cette réforme est censée moderniser la chaîne logistique, renforcer la transparence et assurer une présence plus homogène du médicament sur tout le territoire national. Le responsable a également révélé qu’une centaine de projets d’usines sont actuellement à l’étude.

Ces initiatives portent en priorité sur la fabrication de matières premières, un segment stratégique encore insuffisamment maîtrisé par les producteurs algériens. L’enjeu est d’autant plus important que la matière première pharmaceutique représente souvent le principal coût de production et constitue la clé de l’autonomie industrielle. Les projets soumis concernent notamment les hormones, les vaccins, les anticancéreux, les traitements cardiovasculaires et divers dispositifs médicaux essentiels. Plusieurs exemples concrets illustrent cette nouvelle orientation. À Sétif, deux unités spécialisées dans la fabrication de matières premières destinées aux traitements contre le cancer et les maladies cardiaques sont en voie d’approbation. À Médéa, le groupe public Saidal, longtemps considéré comme le fleuron national du secteur, s’apprête à relancer son usine pour reprendre la production de substances actives destinées à certains antibiotiques. Afin d’accompagner cette relance, le ministère a fait appel à d’anciens cadres retraités dont le savoir-faire demeure précieux pour former une nouvelle génération de techniciens et d’ingénieurs.

Parallèlement, l’effort de production nationale a permis d’enregistrer une amélioration notable dans la disponibilité des médicaments sur le marché. Selon M. Hammani, les tensions qui avaient marqué certains segments sont désormais résorbées, confirmant le virage effectué vers une réelle autosuffisance. Ce résultat s’inscrit dans les objectifs fixés par le ministère : réduire fortement la dépendance extérieure, stabiliser l’approvisionnement et sécuriser les besoins du système de santé. Et les indicateurs économiques parlent d’eux-mêmes : la facture d’importation du médicament, qui dépassait les 2 milliards de dollars il y a quelques années, a été réduite de moitié pour atteindre près d’un milliard aujourd’hui. Mais les ambitions de l’Algérie ne s’arrêtent pas à la satisfaction du marché interne. Le pays s’engage désormais dans une stratégie offensive d’exportation, notamment vers les marchés africains et arabes.

Cette orientation est renforcée par la « Déclaration d’Alger », adoptée récemment, qui constitue une véritable feuille de route pour intensifier les échanges pharmaceutiques sur le continent. L’un des objectifs fixés dans ce cadre est d’assurer une autosuffisance africaine de 50 % d’ici 2035, contre seulement 5 % actuellement. Une projection qui ouvre un large champ d’opportunités pour les entreprises algériennes, surtout que le pays abrite déjà plus du tiers des unités de production pharmaceutique existant en Afrique. Dans ce contexte, l’Agence algérienne du médicament a signé deux premiers accords de coopération avec les agences du médicament tanzanienne et sénégalaise. Ces partenariats visent à harmoniser certaines procédures, faciliter la circulation des produits, accélérer les enregistrements et permettre un échange de savoir-faire. Ils constituent une étape importante dans la stratégie de pénétration des marchés africains, souvent freinée par des exigences réglementaires variables ou des circuits logistiques complexes.

À travers ces accords, l’Algérie entend se positionner à la fois comme un fournisseur fiable et comme un partenaire technique capable de contribuer à l’essor des industries locales. Dans le même esprit, une usine implantée à Oran vient d’exporter pour près d’un million d’euros de dispositifs médicaux vers la République du Congo, illustrant le potentiel grandissant du pays dans des segments industriels à forte valeur ajoutée. D’autres entreprises s’apprêtent à suivre la même voie, portées par une meilleure compétitivité et une volonté politique affirmée de promouvoir l’exportation non hydrocarbure. L’industrie pharmaceutique algérienne vit donc un moment charnière. Adossée à des réformes réglementaires, à une expansion industrielle soutenue et à une orientation stratégique claire vers l’Afrique, elle semble désormais prête à franchir un nouveau palier. La conjugaison des capacités locales, de la détermination des producteurs, de l’engagement des pouvoirs publics et de la dynamique continentale pourrait transformer l’Algérie en acteur incontournable du médicament en Afrique. Un horizon qui, progressivement, prend forme.

R.E

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