ALGER : Une réforme stratégique du système de change pour une gouvernance monétaire transparente et crédible

dknews
6 Min Read

Dans un contexte économique mondial marqué par des tensions financières et des mutations rapides des marchés, l’Algérie se trouve engagée dans une réflexion profonde visant à moderniser son système de change et à consolider les fondements de sa gouvernance monétaire. Cette mutation, désormais incontournable, constitue l’un des leviers majeurs du redressement économique et de l’attractivité du pays. Elle est au cœur des recommandations formulées par l’économiste et député à l’Assemblée populaire nationale, le Dr Abdelkader Berriche, membre influent de la Commission des finances et du budget. Pour ce dernier, la réforme du régime de change n’est pas un simple ajustement technique : elle représente un choix stratégique d’envergure nationale, conditionnant à la fois la transparence des politiques publiques, la stabilité financière et la capacité de l’économie à attirer des capitaux étrangers.

 Les enjeux sont multiples, d’autant plus que l’Algérie est confrontée depuis des décennies à l’existence d’un marché parallèle tentaculaire des devises, devenu au fil du temps un système concurrent de la sphère bancaire officielle et alimentant un écart croissant entre le taux officiel et le taux appliqué dans les circuits informels. La transition engagée dans les années 1990, lorsque le pays est passé d’un régime de change fixe à un régime administré sous l’égide du FMI, avait certes permis d’installer un cadre monétaire plus stable. Mais elle n’a pas réussi à juguler l’expansion de l’informel, ni à renforcer suffisamment la confiance dans le système bancaire. Selon Dr Berriche, la réforme à venir doit précisément répondre à ces dysfonctionnements structurels, en offrant à la fois une visibilité accrue, une lisibilité budgétaire renforcée et une transparence indispensable au fonctionnement d’un marché moderne.

L’expert propose ainsi une feuille de route ambitieuse s’étalant sur la période 2025–2035, structurée autour de trois phases successives. La première repose sur la consolidation des réserves de change, qui devront atteindre un seuil considéré comme stratégique « au moins 70 milliards de dollars » tout en procédant à l’ouverture progressive de bureaux de change agréés pour intégrer, par étapes, une partie du marché parallèle dans le circuit officiel. Cette approche vise également à canaliser les transferts de fonds de la diaspora, qui constituent une ressource importante, mais encore sous-exploitée en raison de contraintes administratives et de taux jugés peu attractifs.  La deuxième phase, prévue entre 2028 et 2032, introduit une libéralisation partielle du régime de change à travers une flottation administrée. Cette transition comportera l’instauration de deux taux officiels distincts : un taux destiné aux importations stratégiques, et un autre couvrant les transactions ordinaires. Cette innovation, qui nécessite une régulation stricte et une coordination étroite entre les banques commerciales et la Banque d’Algérie, devrait permettre une meilleure allocation des devises et une transparence accrue dans les opérations comptables liées au commerce extérieur.

La troisième phase, entre 2032 et 2035, marque l’achèvement de la réforme avec la mise en place d’un taux unique résultant de l’offre et de la demande sur le marché, dans un cadre de flottation progressive. Le rôle de la Banque centrale y sera limité à des interventions ciblées destinées à prévenir les déséquilibres majeurs, tout en renforçant sa communication institutionnelle, la publication régulière de ses données et l’ouverture de canaux de dialogue avec les acteurs économiques et la diaspora. Cette mutation, si elle est ambitieuse, n’est pas dépourvue de risques. Dr Berriche anticipe que la transition pourrait, dans un premier temps, provoquer une dépréciation du dinar, une hausse du coût des importations et une inflation plus marquée. Un impact sur le pouvoir d’achat des ménages est également attendu, ce qui nécessite, selon lui, des dispositifs d’accompagnement fondés sur un ciblage précis des subventions, un contrôle strict des prix essentiels et un soutien aux catégories sociales vulnérables. Toutefois, l’expert souligne que ces difficultés ne seraient que temporaires si le pays parvient à instaurer un environnement attractif pour les investisseurs, à encourager les flux financiers externes et à créer de nouveaux emplois.

La réussite de la réforme dépendra largement de la transparence de la Banque d’Algérie, de la régularité des publications statistiques, de la prévisibilité des décisions monétaires et de la capacité de l’État à instaurer la confiance auprès des opérateurs économiques et des citoyens. Pour le Dr Berriche, l’enjeu dépasse la seule gestion du taux de change. Il s’agit d’un projet national visant à moderniser l’économie, à assainir le système financier, à intégrer l’Algérie dans les standards internationaux et à éliminer définitivement le marché parallèle qui fragilise les recettes fiscales, perturbe les équilibres comptables et mine la crédibilité des institutions. En conclusion, la refonte du système de change apparaît comme un passage obligé pour accompagner la transformation économique du pays.

Transparence, discipline financière, cohérence budgétaire et gouvernance modernisée devront constituer les principes directeurs de cette réforme structurante. L’Algérie, à travers cette transition monétaire d’envergure, aspire non seulement à renforcer sa souveraineté économique, mais également à se positionner comme un acteur plus compétitif sur la scène régionale et internationale.

R.E

Share This Article
Leave a Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *