Le ministère de la Culture et des Arts, dirigé par Malika Bendouda, amorce une nouvelle ère pour la protection des créateurs et la valorisation du patrimoine artistique national.
Jeudi, lors d’une séance plénière à l’Assemblée populaire nationale (APN) consacrée aux questions orales, la ministre a exposé une vision globale et audacieuse : réviser les textes législatifs régissant les droits d’auteur et les droits voisins en collaboration avec plusieurs départements ministériels.
Cette démarche, à la fois concertée et stratégique, place la culture au cœur de la souveraineté numérique et de la transition technologique du pays.
Mme Bendouda a indiqué que son département a engagé un travail transversal avec les ministères de la Justice, de la Communication, ainsi que de la Poste et des Télécommunications, pour refondre en profondeur la législation culturelle. L’objectif : adapter le droit d’auteur aux nouvelles réalités du numérique et de l’intelligence artificielle.
Cette refonte vise à reconnaître les œuvres issues de ces technologies émergentes, à renforcer les sanctions contre le plagiat et les atteintes aux bonnes mœurs, et à mettre en place des mécanismes modernes de contrôle des contenus culturels diffusés sur les plateformes.
Pour la ministre, cette initiative représente bien plus qu’une simple mise à jour juridique : c’est un projet de société.
Elle affirme que les réformes permettront « de protéger les créateurs tout en garantissant la liberté d’expression, dans le respect des valeurs éthiques et culturelles de l’Algérie ».
En plaçant la culture au centre de la régulation numérique, le ministère entend bâtir une véritable souveraineté culturelle, capable de préserver l’identité nationale dans un environnement global dominé par les algorithmes étrangers.
Au cœur de cette stratégie, l’Office national des droits d’auteur et des droits voisins (ONDA) joue un rôle pivot.
Il a été mandaté pour développer un système numérique intégré, conçu en partenariat avec les universités et les institutions de communication.
Ce dispositif permettra de cartographier le contenu culturel diffusé en ligne, d’identifier les œuvres protégées, de repérer les utilisations illicites et d’évaluer la visibilité du contenu algérien dans l’espace numérique.
Il servira également à détecter toute violation des droits ou tout contenu contraire aux valeurs nationales.
Selon la ministre, ce système offrira à l’Algérie « une capacité souveraine de contrôle et d’analyse dans un domaine largement dominé par des technologies étrangères ».
Mais la réforme ne s’arrête pas là. Consciente que la culture des droits d’auteur doit s’inculquer dès le plus jeune âge, Mme Bendouda a annoncé le lancement d’un programme national d’éducation artistique et culturelle.
Élaboré en partenariat avec les ministères de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Jeunesse et des Sports, ce programme vise à ancrer la culture du respect de la création, à renforcer l’esprit critique des jeunes face au contenu numérique et à encourager la créativité responsable.
Ce plan ambitieux prévoit également la mise en place de plateformes numériques dédiées à la diffusion et à la valorisation des productions artistiques algériennes.
Ces espaces permettront de publier et de promouvoir les œuvres issues des domaines de la musique, du cinéma, de la littérature et des arts plastiques, tout en respectant les spécificités linguistiques et culturelles du pays.
Pour Mme Bendouda, cette initiative constitue « un pas décisif vers la souveraineté culturelle numérique et un levier pour consolider la place de l’Algérie dans l’économie créative mondiale ».
Abordant le septième art, la ministre a répondu à une question relative à la production d’un film sur la bataille de Bab El Bekkouche à Tissemsilt.
Elle a précisé qu’à ce jour, aucun projet consacré spécifiquement à cet épisode historique n’a été soumis, ni par les établissements publics ni par les producteurs privés.
Toutefois, elle a rappelé que son ministère accorde une importance particulière à la valorisation de la mémoire nationale à travers le cinéma.
La création, dans la loi de Finances 2025, du Fonds national pour le développement de l’Art, de la Technique et de l’Industrie cinématographique, illustre cette volonté d’encourager la production de films historiques, porteurs de mémoire et d’identité.
Mme Bendouda a également invité les producteurs et scénaristes à s’emparer des grandes pages de l’histoire nationale, dont la bataille de Bab El Bekkouche, en assurant que son département accompagnera ces projets dans le respect des procédures légales et réglementaires.
Cette politique de soutien s’inscrit dans une perspective de relance du cinéma national comme vecteur de mémoire et d’unité culturelle.
La ministre a en outre évoqué la préservation du patrimoine intellectuel et historique, notamment la bibliothèque El Massouma à Tiaret, qu’elle a décrite comme un « devoir culturel et historique ».
Dans le cadre d’un programme consacré à la mémoire cognitive, le ministère prévoit d’organiser des événements scientifiques et culturels destinés à valoriser cette bibliothèque et d’autres monuments emblématiques. Elle a également révélé que le dossier relatif à la création officielle de la bibliothèque publique Jacques Berque, à Frenda (Tiaret), est en cours d’examen, en raison de sa valeur symbolique et scientifique.
Cette initiative, selon la ministre, s’inscrit dans une vision globale visant à sauvegarder la mémoire collective, à protéger le patrimoine documentaire et à le mettre à la disposition des chercheurs et du grand public.
À travers ces réformes législatives, éducatives et institutionnelles, le ministère de la Culture et des Arts trace les contours d’un nouvel écosystème culturel où tradition et innovation s’entrecroisent. Dans une Algérie en pleine transition numérique, la culture s’affirme comme un pilier stratégique du développement et de la souveraineté nationale.
L’ambition de Malika Bendouda et de son département est claire : faire de la culture un instrument de rayonnement, de liberté créative et de défense des valeurs identitaires algériennes à l’ère du numérique.
Ce projet global, alliant réforme juridique, innovation technologique et éducation culturelle, ouvre la voie à une nouvelle dynamique où chaque créateur pourra s’exprimer, être protégé et contribuer à une Algérie plus forte, plus consciente et plus présente sur la scène culturelle mondiale.
R. C.
