Dans le paysage de la presse algérienne, certains noms résonnent comme des légendes. Cherbal Abdelmadjid, affectueusement surnommé Antar, est de ceux-là.
Ancien directeur général du prestigieux quotidien El Moudjahid, fondateur et directeur général du journal DKNEWS, il a marqué plus d’un demi-siècle de journalisme par sa droiture, son engagement et une humanité rare. Sa disparition, le 29 juillet 2022, à l’âge de 74 ans, a laissé un vide profond, mais son héritage demeure vivant. Pour Bouazara Mohamed, journaliste et écrivain, évoquer Antar, c’est bien plus qu’énumérer un parcours professionnel. C’est plonger dans une mémoire commune, celle d’une génération de journalistes façonnés par l’histoire, guidés par des valeurs et animés par une mission. « Parler d’Antar, c’est raconter l’histoire d’un homme qui a su allier rigueur, éthique et chaleur humaine. Il était à la fois un leader et un compagnon de route.»
El Moudjahid : le creuset d’une génération
Le parcours d’Antar se comprend à la lumière de l’histoire d’El Moudjahid. Ce journal, né en pleine Guerre de libération, fut d’abord un outil de lutte et de communication pour l’Armée de libération nationale et le peuple algérien. Bouazara rappelle « La première époque d’El Moudjahid, celle de la Révolution, était portée par des figures d’exception comme Ihaddaden, Frantz Fanon, Mohamed Mili et Abdellah Chérait. Ils faisaient de la presse une arme intellectuelle et politique. La seconde époque, celle de la consolidation de la presse nationale moderne, a vu Antar s’imposer comme un pilier incontournable. » C’est dans ce cadre qu’Antar fait ses premiers pas. Formé par Nait Mazzi, véritable institution du journal, il côtoie et collabore avec Ahmed Fettani et Omar Belhouchet. Très vite, il se distingue par sa rigueur, sa vision stratégique et sa fidélité à l’éthique journalistique. Entré en 1967 dans la profession, il grimpe les échelons jusqu’à devenir directeur général d’El Moudjahid, fonction qu’il occupera pendant 14 ans, imposant une ligne éditoriale exigeante, équilibrée et résolument nationale.
Une rencontre qui devient une fraternité
Bouazara Mohamed se souvient avec émotion de leur première rencontre en 1976, lors de l’élection présidentielle de feu Houari Boumédiène. Ce jour-là, au-delà des échanges professionnels, naît une relation humaine profonde, faite de respect mutuel et de confiance. « Antar n’était pas seulement un directeur. Il savait écouter, conseiller, encourager. Sa porte était toujours ouverte, son sourire toujours présent. » Même après ma mutation OUARGLA comme directeur régional 1986 , raconte Bouazara, nous étions en contact régulier. « La distance ne changeait rien », confie-t-il. « Antar avait ce talent rare de maintenir le lien, de vous faire sentir que vous comptiez, même à des centaines de kilomètres. »
L’héritage humain et professionnel
En 2011, animé par le désir de renouveler le paysage médiatique tout en préservant ses valeurs fondatrices, Antar lance DKNEWS. Ce projet devient rapidement un espace d’expression moderne, rigoureux et indépendant, fidèle à sa vision d’une presse libre et responsable. Antar ne se contente pas de gérer ; il forme, accompagne et inspire. Beaucoup de jeunes journalistes le considèrent comme un mentor, un guide qui leur a appris que le journalisme ne se résume pas à rapporter des faits, mais à les comprendre, les contextualiser et les transmettre avec honnêteté.
Un témoin des grands moments
Sa carrière est jalonnée d’événements majeurs : congrès de l’Union des journalistes en novembre 1982, couverture de grandes échéances politiques, participation à des débats sur l’avenir de la presse. À chaque étape, il défend la nécessité d’un journalisme au service de la société, loin de la complaisance et de la désinformation. « Antar avait une boussole intérieure qui ne déviait jamais : celle de la vérité et de l’éthique », insiste Bouazara.
Une personnalité d’une rare humilité
Malgré ses fonctions prestigieuses, Antar reste un homme simple. Il refuse les honneurs inutiles, préfère la discrétion aux projecteurs. Ses collègues se souviennent de ses mots mesurés, de sa capacité à apaiser les tensions, de son humour discret mais efficace. « Il n’a jamais prononcé un mot désagréable », souligne Bouazara. « Sa présence seule suffisait à inspirer respect et sérénité. »
Un héritage qui continue de guider
Aujourd’hui, le nom d’Antar reste synonyme de loyauté, intégrité et excellence dans le journalisme algérien. Pour Bouazara Mohamed, il demeure un repère : « Tant qu’il y aura des journalistes qui croient en la puissance des mots et en leur responsabilité envers la société, la mémoire d’Antar vivra. » Antar n’a pas seulement exercé un métier ; il a incarné une vision. Une vision où la presse n’est pas un simple relais d’informations, mais un acteur engagé dans la construction d’une société juste et éclairée.
Pour rappel : Le dernier adieu
Le 29 juillet 2022, la nouvelle de sa disparition frappe le milieu journalistique comme un coup de tonnerre. Les hommages affluent, venant d’anciens collègues, de jeunes reporters, d’amis de longue date. Tous évoquent un homme intègre, passionné et profondément attaché à son pays. Il aura consacré plus de cinquante ans à un métier qu’il considérait comme un devoir national
Paix à son âme.
Adieu, Antar. Ton héritage est une lumière qui continuera d’éclairer le chemin des générations futures. Qu’Allah lui fasse miséricorde et l’accueille dans Son vaste paradis ».
A. M.

 
			 
			 
		 
		 
		