L’Observatoire international de surveillance des ressources naturelles du Sahara occidental (Western Sahara Resource Watch) a mis en garde l’Union européenne (UE) contre toute tentative de contourner les arrêts de sa Cour de justice, invalidant, définitivement, deux accords de libre-échange sur la pêche et l’agriculture, conclus avec le Maroc en 2019.
« Les institutions européennes sont désormais confrontées au choix de défendre l’Etat de droit ou de faciliter des pratiques qui le défient ouvertement. Leurs actions pourraient non seulement révéler la position de l’UE sur les droits du peuple du Sahara Occidental, mais aussi sur l’intégrité de son propre système judiciaire », a déclaré Sara Eyckmans, membre de cet observatoire.
Le 4 octobre 2024, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a décidé d’invalider définitivement deux accords commerciaux conclus entre le Maroc et l’UE en 2019 sur la pêche et l’agriculture, étendus illégalement au Sahara occidental occupé.
Dans son arrêt, elle a conclu que « les accords commerciaux UE-Maroc de 2019 en matière de pêche et de produits agricoles, auxquels le peuple du Sahara occidental n’a pas consenti, ont été conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités ».
Pour ce qui est de l’accord relatif aux mesures de libéralisation en matière de produits agricoles, la Cour a décidé le maintien, pour un délai de 12 mois, des effets de la décision du Conseil européen.
A trois mois de l’annulation effective de cet accord, des « discussions secrètes » seraient engagées entre les représentants commerciaux de l’UE et du Maroc en vue d’identifier les voies de contournement du droit international concernant le Sahara Occidental.
« (…) des négociations en coulisses se déroulent discrètement à Bruxelles. Leur objectif ? Trouver une solution politique aux arrêts de la CJUE qui ont déclaré ces accords invalides sans le consentement du peuple du Sahara Occidental », a indiqué WSRW sur son site internet.
Citant un média international, l’ONG révèle que les responsables européens et marocains « testent les zones d’ombre juridiques afin de maintenir les flux commerciaux en provenance du territoire occupé, malgré les décisions de la Cour ».
Les deux parties seraient en train d’examiner les « mécanismes financiers » à mettre en place pour obtenir, au moins, « le consentement présumé » exigé par la CJUE pour la légalité de ces accords. Toutefois, la haute juridiction européenne a posé également d’autres conditions qui semblent « peu susceptibles d’être respectées », note WSRW.
« Les arrêts de la CJUE ne concernent pas la redistribution des avantages. Ils visent avant tout le respect du droit à l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental. Cela signifie, par exemple, que l’application du consentement présumé exigerait que le Maroc accepte le territoire du Sahara occidental comme séparé et distinct et qu’il ne puisse y agir souverainement », explique-t-elle, faisant remarquer, qu' »il est inconcevable que le Maroc accepte cela en échange de droits de douane réduits sur les produits de Dakhla » occupée.
En outre, « la capacité de ces mesures à résister à un examen juridique est incertaine, d’autant plus que le Front Polisario, reconnu par les tribunaux de l’UE comme l’interlocuteur légitime du peuple du Sahara Occidental, pourrait encore contester ces cadres », avertit-elle.
Une ONG espagnole dénonce l’utilisation de l’expression « territoire contesté » pour désigner le Sahara occidental
La plateforme espagnole de solidarité avec le peuple sahraoui « N’oubliez pas le Sahara occidental » dénonce l’utilisation de l’expression « territoire contesté » pour désigner le Sahara occidental, faisant savoir que ce dernier est « un territoire occupé en attente de décolonisation ».
« (…) nous dénonçons l’utilisation d’expressions délibérément ambiguës qui diluent la vérité. Qualifier le Sahara occidental de +territoire contesté+ est non seulement juridiquement faux, mais légitime également l’occupation et réduit au silence la voix du peuple sahraoui », déplore cette plateforme.
Elle précise, à ce titre, qu' »il ne s’agit pas d’un conflit territorial entre deux Etats », mais « d’une lutte pour la décolonisation face à une occupation illégale imposée par la force ».
Ce terme « d’apparence neutre », qui s’est imposé ces dernières années, dans les médias et dans le discours diplomatique, « déforme la réalité que le droit international et la jurisprudence européenne ont clairement établie : le Sahara occidental n’est pas un territoire contesté.
C’est un territoire occupé en attente de décolonisation, soumis à la domination coloniale du Royaume du Maroc », souligne-t-elle. La plateforme rappelle, dans ce contexte, que le Sahara occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU.
« En droit international, cela implique qu’il est en cours de décolonisation, processus qui n’est pas encore achevé », relève-t-elle.
De plus, poursuit-elle, « la Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu un arrêt catégorique : il n’existait aucun lien de souveraineté territoriale entre le Maroc et le Sahara occidental ».
La CIJ a réaffirmé, en effet, le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination, consacré par la Charte des Nations unies. Cependant, « le Maroc a imposé sa présence par la force, avec la complicité des gouvernements occidentaux et le silence complice d’une grande partie de la communauté internationale », regrette-t-elle.
Des décennies plus tard, cette même position juridique a été renforcée par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Dans son arrêt du 21 décembre 2016, la CJUE a déclaré que le Sahara occidental dispose d’un « statut séparé et distinct ».
Si l’expression « territoire contesté » est encore utilisée, c’est parce qu’elle « offre une échappatoire commode à ceux qui souhaitent éluder la vérité juridique et politique », estime cette plateforme.
Présenter la situation comme un « différend » entre deux parties égales occulte le fait fondamental qu’il existe une puissance occupante qui empêche l’exercice du droit à l’autodétermination, et un peuple colonisé qui résiste depuis près de cinquante ans, ajoute-t-elle.